Qui ne connaît pas Tikjda, cette station féerique de la chaîne montagneuse du Djurdjura, entre les deux wilayas de Bouira et Tizi Ouzou ? Elle fait partie du Parc national du Djurdjura.
En hiver, elle revêt toujours son manteau blanc bigarré de la verdure du pin noir, du cèdre de l’Atlas et autres espèces. Après la fonte des neiges au printemps, Tikjda se transforme, des couleurs émergent.
C’est toute la beauté de la nature qui surgit. Comme à chaque saison, cette région reste la destination préférée des milliers de personnes qui viennent des quatre coins du pays. Tikjda promet à ses visiteurs des moments inoubliables en famille. D’autres viennent tout simplement pour pratiquer les différents sports. Et pour savourer encore plus les randonnées pédestres, un pique-nique sous les chênes verdoyants de Tikjda est devenu une mode pour les familles. C’est une culture qui a pris de l’ampleur.
Elle est surtout connue pour son centre national des sports et loisirs et est devenue la destination privilégiée des sportifs. Cependant, Tikjda est sous l’emprise du mal. Les incendies répétitifs ont ravagé des hectares de sa végétation. Elle est victime aussi et durant toute l’année de l’incivisme de certains visiteurs, ainsi que du laisser-aller des pouvoirs publics. C’est la pollution.
La nature croule sous le tas d’ordures qui défigurent les paysages féeriques de ces endroits uniques. Non contents de polluer les plaines, les campagnes et les villes, nous voilà arrivés à la montagne pour la massacrer. A Tikjda, à plus de 1400 m d'altitude, on trouve toutes sortes de déchets éparpillé : sachets et bouteilles en plastique, bouteilles en verre, canettes de bière, boîtes de conserve, etc. Même les nombreux cours d’eau ne sont pas épargnés par la pollution galopante.
Le ruissellement des eaux est souvent accompagné par des déchets qui flottent. Un spectacle désolant se met en avant. Un danger qui guette l’équilibre de l’écosystème de la montagne est une réalité. Les risques planent de plus en plus sur la faune sauvage. Des animaux peuvent avaler des matières dangereuses, leur offrant une mort lente et affreuse. Ce ne sont pas les textes de loi visant la protection de l’environnement qui manquent, ni les associations environnementales. Mais c’est l’absence d’une culture écologique chez l’individu conjugué au laisser-aller des pouvoirs publics qui posent problème.
Un père de famille, retrouvé sur les lieux, estime que l’inexistence des poubelles en est la cause de la pollution. Ce qui est plausible quelque part. Les bacs à ordures se font rares dans ces endroits de haute montagne. Il n’y a que quelques poubelles de petite taille suspendues sur des poteaux. Mais pour d’autres, le problème provient des visiteurs eux-mêmes. L’hygiène est l’affaire de tous. «Il n’est pas interdit de manger en montagne. Mais que chacun ramasse ses déchets et les porte avec lui.
Sinon, il faut renforcer davantage la présence des agents forestiers pour sauvegarder les lieux», rétorque un sexagénaire en famille. Une hirondelle ne fait pas le printemps. C’est le cas de deux jeunes, des vendeurs ambulants à Tighzert, un lieu très prisé à l’ouest de Tikjda. Ils essaient à leur manière de réduire les quantités des déchets. «Chaque soir on ramasse les détritus que jettent les visiteurs dans les alentours. Mais parfois ça nous dépasse.
Quand la quantité des ordures est importante, on la brûle pour s’en débarrasser», expliquent-ils. On a tout pollué… il nous reste les rochers. Même les rochers perchés sur les hauteurs n’ont pas échappé à la main pollueuse de l’homme. Des randonneurs insoucieux les ont souillés avec des bombes à peinture.
Pour faire quoi ? Ecrire des noms, des dates, etc. C’est l’autre face de Tikjda qu’on massacre quotidiennement. Autre fait qui renseigne de l’indifférence de certains visiteurs, c’est le fait de donner à manger aux singes, alors que c’est strictement interdit.
Un amusement pour les familles, mais un danger pour les singes magot qui sont en voie de disparition. De telles pratiques risquent de changer les habitudes alimentaires de cet animal et lui transmettre des maladies. Bref, un énorme travail de sensibilisation doit être mené, suivi d’une implication sérieuse des collectivités locales pour sauver le peu de forêts qui restent en Algérie.
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Tikjda : Pollution, la cachée de la montagne
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«A la sortie de l’hôpital, le patient est livré à lui-même»
Mahmoud Boudarène, psychiatre, diagnostique les failles des structures hospitalières de la wilaya de Tizi Ouzou, qui sont propres à de nombreuses autres régions du pays. A l’en croire, rares sont dans notre pays les structures hospitalières qui proposent aux malades hospitalisés des activités thérapeutiques qui préparent à la réinsertion sociale.
En 2006, il y avait 23 psychiatres pour 300.000 malades dans la wilaya de Tizi Ouzou. Qu’en est t-il aujourd’hui ? Est-ce suffisant pour les besoins de soins en santé mentale?
Si l’on s’en tient à la prévalence mondiale des maladies mentales, au moins un quart de la population de la wilaya présenterait actuellement des troubles psychiques. Un rapide petit calcul nous donnerait 27%, soit 313.000 personnes. Je pense que ce chiffre - compte tenu des effets de la violence de ces dernières années, de la précarité sociale et de la consanguinité importante dans nos familles - serait en deçà. Et je n’ai pas tenu pas compte dans cette arithmétique des pathologies de l’enfant (7000 autistes environ) ou des personnes âgées (6500 maladies d’Alzheimer). Ces dernières, les pathologies des personnes âgées, iront croissantes au regard d’une espérance de vie qui s’améliore substantiellement.
Aujourd’hui, nous avons 48 psychiatres (tous secteurs confondus) dans la wilaya, pour une population de 1.165.170 habitants, soit 1/24.274 habitants. Nous sommes bien situés par rapport à la moyenne nationale (1/70.000) mais nous sommes loin de la norme mondiale qui est de 1 à 2/10.000 habitants. La Suisse étant à 4/10.000 habitants. Vous voyez nous avons encore du chemin à faire concernant la démographie des psychiatres.
Mais je vous fais remarquer que si le psychiatre est au centre de la décision thérapeutique, il est important de souligner, pour vos lecteurs, que le soin en psychiatrie dépend étroitement de nombreux autres intervenants: l’infirmier, l’éducateur spécialisé, l’assistante sociale, le psychologue, l’ergothérapeute, le psychomotricien, etc. Sans l’apport de ceux-ci, en équipe bien structurée et animée par le psychiatre, le soin qui sera apporté au malade est nécessairement incomplet, d’une certaine façon mutilé. Ces intervenants manquent cruellement quand ils ne sont pas totalement absents.
Hormis l’hôpital psychiatrique de Oued Aissi, la wilaya n’a bénéficié d’aucune nouvelle structure. Cet EHS est saturé. Un commentaire.
L’EHS Fernane Hanafi de Oued Aïssi est à vocation régionale. Il est sommé de répondre à la demande de quatre wilaya (Tizi Ouzou, Béjaia, Bouira, et Boumerdès) soit un bassin de population de 4 à 5 millions d’habitants. Il est donc évident que la pression que subit cette structure est insupportable. D’autant plus que les malades sont souvent hospitalisés pour de longues périodes, quelques fois plusieurs semaines ou mois, quand ceux-ci n’y élisent pas domicile parce qu’ils sont abandonnés par leur famille. Le « turn over » ne se fait plus et l’hospitalisation de nouveaux malades devient problématique.
Oui, l’EHS est saturé. Il peine à prendre en charge de nouveaux malades et a d’énormes difficultés à apporter des soins de qualité et adaptées aux besoins des pensionnaires de l’établissement, notamment ceux qui y séjournent durant une longue période. Pourquoi? Parce que si le malade hospitalisé reçoit les médicaments nécessaires pour réduire le délire, l’agitation ou encore pour résoudre le problème de l’urgence, il n’y a pas le dispositif indispensable pour lui offrir – quand il est inscrit dans la chronicité de la maladie – un projet thérapeutique à même de lui éviter une évolution vers l’handicap mental et le glissement vers la désinsertion sociale. Le sujet hospitalisé passe ses journées au lit ou à tourner en rond dans l’ennui et la monotonie, dans un système hospitalier en véritable carence de stimulation. Une situation qui vient aggraver un amoindrissement des fonctions cognitives (intellectuelles) et une diminution des compétences et des habiletés sociales dus à l’évolution de la maladie et aux traitements chimiques lourds qui sont prescrits.
Des aspects importants qui ne sont pas pris en charge par le projet thérapeutique que nous proposons aujourd’hui à nos malades; par manque d’initiative, sans doute, mais par manque de moyens et de personnels spécialisés, je le soulignais précédemment. Mais cela n’est pas propre à l’EHS de Oued Aïssi. Rares sont, dans notre pays, les structures hospitalières qui proposent aux malades hospitalisés des activités thérapeutiques qui préparent à la réinsertion sociale. Un volet fondamental dans la prise en charge du patient qui n’existe pas. A la sortie de l’hôpital, celui-ci, le patient, est livré à lui-même. Rien n’est prévu pour prendre le relais, pour accompagner le sujet dans sa réadaptation sociale. Ce dernier revient à l’EHS en consultation pour un renouvellement d’ordonnance ou en cas de rechute pour y être à nouveau hospitalisé.
Le nombre de lits a diminué malgré l’augmentation de la demande. Que préconisez- vous pour remédier à cette situation qui pénalise les malades ?
Il faut que l’étau se desserre sur l’EHS Fernane Hanafi. Pour cela, il faut d’abord que le service de psychiatrie du CHU, 40 lits environ, fermé pour des raisons incompréhensibles, soit réouvert. Ces lits existent dans l’organigramme du ministère de la santé, la volonté doit donc s’exprimer localement pour les remettre à la disposition des malades. Il faut ensuite ouvrir des structures de jour - un hôpital de jour - à l’EHS mais aussi au CHU - pour pouvoir prendre en charge rapidement les situations de crises (d’urgences) qui ne nécessitent pas forcément une hospitalisation de longue durée. Réduire un état d’agitation, mettre en route une thérapeutique et également rassurer les familles en leur apportant les informations utiles pour rendre plus efficace le soutien et l’accompagnement qu’ils peuvent apporter à leurs malades.
Est-il utile de souligner que les familles constituent de moins en moins un support social sur lequel peuvent s’appuyer malade et médecin? Pour des raisons liées aux mutations sociales et aux conditions socio-économiques, celles-ci (les familles) manifestent moins de tolérance et moins de disponibilité à soutenir le parent malade, en particulier quand le médecin ne les a pas éclairées par des informations utiles. Un des rôles importants des structures de jour est justement l’accueil des parents, la prise en charge de leurs préoccupations et leur intégration dans le projet de soins du patient. La majorité des malades qui se présentent aux urgences peuvent bénéficier de l’apport de ce type de structures, à moindre coût.
Enfin, les EPH (établissement public hospitalier) et EPSP (établissement publique de santé de proximité), auxquels des psychiatres sont affectés, peuvent et doivent être en mesure d’accueillir les sujets présentant des troubles psychiques, pour d’une part apprécier l’urgence et d’autre part pour prendre en charge la mise sous traitement et le suivi du malade. Les EPH doivent, en plus de la consultation et du suivi habituel des patients, pouvoir hospitaliser un malade quand cela est nécessaire. C’est pourquoi, ils doivent réserver, sur autorisation de la tutelle, quelques lits (3 ou 4) pour la psychiatrie. La tendance mondiale est à la création de petites unités de proximité dédiées aux soins en santé mentale et l’OMS déconseille, aujourd’hui, la construction de grosses structures comme celle de Fernane Hanafi.
Les malades se plaignent souvent de la pénurie des médicaments? Est-ce que le générique ne pose pas de problème ?
Oui, il est vrai qu’il y a eu des périodes de manque de médicaments. Une situation qui ne concernait pas seulement les produits utilisés en pathologie mentale et qui a été dénoncée. Aujourd’hui, ce problème n’existe plus et j’espère que cela va durer. Les génériques, à l’instar des autres spécialités médicales, ne constituent pas un handicap pour les soins en santé mentale. Ils ont l’avantage d’être moins chers, et si on peut faire faire des économies aux malades et à notre système de santé, c’est tant mieux; je crois que cela doit être inscrit dans l’objectif de chacun des médecins prescripteurs. Toutefois, les génériques restent onéreux, en particulier les neuroleptiques de seconde génération, une vérité qu’il faut relever.
Chacun sait que les malades mentaux sont pauvres et socialement handicapés. Si l’Etat donne la possibilité à certains d’entre eux de bénéficier de la gratuité des soins, nombreux sont ceux qui n’ont pas ce privilège. De plus, l’accès à la gratuité des soins ne concerne que certains produits, les molécules les moins coûteuses. De ce fait, le malade n’accède pas à toutes les possibilités de soins. Il faudrait que les autorités de la wilaya, les services sociaux concernés par ce dispositif, corrige cette anomalie. J’en profite d’ailleurs pour souligner que la procédure d’obtention de la carte de gratuité des soins est longue et compliquée. Il faudrait quels démarches soient allégées et que les délais d’obtention de cette carte soient réduits.
Quelque chose à ajouter sur l’état des lieux de la santé mentale à Tizi Ouzou ?
La wilaya de Tizi Ouzou a des potentialités indéniables, quand bien même il lui est demandé - en matière de prestations de soins en général et en santé mentale en particulier - de répondre à une demande qui vient aussi des wilayas limitrophes. Parce qu’elles ne sont pas mises en réseau, les ressources dont nous disposons ne sont pas suffisamment exploitées. L’EHS Fernane Hanafi peut jouer un rôle central dans l’animation de ce réseau en créant notamment des passerelles solides avec les EPSP et les EPH par l’intermédiaire des centres intermédiaires de santé mentale (CISM) qu’ils hébergent et qui sont totalement marginalisés. Un réseau qui permettra non seulement d’assurer la continuité dans les soins mais également d’offrir des perspectives d’accompagnement thérapeutique des malades et de leurs familles, et d’aide à la réinsertion sociale des sujets les plus durement affectés par la maladie. L’ouverture d’un hôpital de jour à l’EHS et pourquoi pas également au sein des EPSP/EPH me parait être une nécessité pour les raisons que j’ai déjà évoquées.
Le CHU a un rôle important à jouer. Il est un maillon indispensable dans la mise en place du réseau et dans la prise en charge de catégories particulières de malades, notamment ceux qui nécessitent des soins en médecine somatique ou encore des explorations spécifiques. La formation, la recherche universitaire et la psychiatrie de liaison sont les attributions essentielles d’un service de psychiatrie de CHU. Une structure de jour peut venir en appoint pour soulager le service d’hospitalisation. Encore faut-il que ce dernier soit réouvert.
Enfin, la psychiatrie libérale et le mouvement associatif constituent un apport considérable dans le processus. L’une et l’autre sont ignorés. Les psychiatres privés auxquels de nombreux malades s’adressent travaillent chacun en solo. Un dommage car des expériences et des compétences spécifiques sont à faire valoir. Quand au mouvement associatif, je pense particulièrement, à l’association des parents et amis des malades mentaux de Tizi Ouzou, il ne bénéficie d’aucune considération alors que son rôle est déterminant dans le processus de post-cure.
Bien sûr, pour que tout cela puisse se mettre en place, il faut un chef d’orchestre motivé et déterminé à s’engager dans cette dynamique somme toute facile à mettre en place. La direction de santé de wilaya est toute indiquée pour jouer ce rôle. Encore faut-il que la volonté politique y soit et qu’elle se manifeste résolument.
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Contrôle sanitaire à deux vitesse
«Des oiseaux sont importés clandestinement de France, de Belgique, d’Italie, d’Espagne et du Portugal notamment pour être revendus sur le marché algérien avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la santé publique», dénonce Toufik Djebloun, président de l’AOA, fin connaisseur d’oiseaux et éleveur depuis 40 ans. «Sans contrôle médical, ni choix sélectif, les oiseaux introduits clandestinement seront faibles et malades.
Ils ne pourront pas répondre aux besoins des éleveurs algériens. Ils ne seront par ailleurs jamais conformes aux standards mondiaux. Donc, l’éleveur ne pourra pas améliorer ses souches en introduisant dans son élevage des sujets qui risquent de lui faire perdre tout son élevage», a-t-il ajouté.
Ce passionné d’ornithologie qualifie ces oiseaux ramenés d’outre mer de «rebut», car les ventes au niveau de ces pays se font, en premier lieu, entre éleveurs de même club, ensuite dans des bourses organisées par les clubs, ouvertes au public.
Le reste des oiseaux, le rebut, sera alors vendu sur les marchés, principal lieu d’approvisionnement des importateurs algériens clandestins et où les prix sont très intéressants (entre 10 et 15 euros). «Malheureusement, le transport et l’enlogement de mauvaise qualité ainsi que le mélange d’oiseaux de différentes races induira inévitablement des maladies dues à une incompatibilité microbienne des uns et des autres», déplore M. Djebloun. Du coup, en «tolérant» l’importation clandestine d’oiseaux de cage, l’Algérie officielle risque fort d’y laisser des… plumes faute de contrôle.
Dix ans après que la souche H5N1 de la grippe aviaire a fait trembler le monde en raison de sa transmissibilité aux humains, cette maladie qui touche les oiseaux sauvages notamment, fait l’objet d’une lutte ininterrompue et d’une «veille sanitaire» de la part de l’OMS, d’autant que le virus pourrait devenir pathogène pour l’homme consécutivement à une recombinaison génétique. En janvier 2006, les autorités algériennes avaient mis en place un dispositif de veille et de lutte, mais ce dispositif reste très hypothétique, puisqu’il ne filtre pas les volatiles introduits incognito. Un dispositif de contrôle à deux vitesses destiné uniquement aux importations légales comme les volailles.
En novembre 2014, 14 000 poussins ont été abattus, sur ordre du ministère de l’Agriculture, après confirmation de la présence du virus de la grippe aviaire. Les poussins avaient été importés de France et transité par le port d’Alger où les analyses effectuées avaient révélé la présence de la souche H5N1. Une épidémie a certes pu être évitée, mais le risque demeure important vu le nombre d’oiseaux d’ornement introduits sous cape.
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Marchés non réglementés
Plusieurs marchés aux oiseaux existent à travers le territoire national et aucun d’eux n’est réglementé. Aucun contrôle n’est opéré sur les lieux. C’est le cas du marché régional de Constantine.
Il rassemble chaque vendredi des dizaines d’amoureux d’oiseaux, qui n’hésitent pas à casser leur tirelire pour un volatile aux couleurs miroitantes. Au niveau de ce marché très fréquenté, le chardonneret est roi. En nombre et en ventes. «Je ne me lasse pas d’entendre son chant inimitable. J’ai 65 ans et j’en suis complètement fou.
Il y a quelques années, j’ai perdu un chardonneret. Sa mort m’a brisé le cœur, alors j’ai décidé de ne plus en avoir jusqu’à ce que mon jeune fils m’en réclame un», nous a déclaré un retraité passionné par les oiseaux. Ils sont nombreux à faire le déplacement chaque semaine dans ce lieu situé en plein centre-ville, non loin du siège de l’APC et du palais de la justice.
Ce marché existe depuis plusieurs décennies, mais il n’est pas réglementé. Pour des raisons pratiques et probablement esthétiques, «l’APC envisage de la délocaliser pour qu’il n’enlaidisse pas davantage la ville». C’est ce que nous a affirmé le responsable du service de l’hygiène et de l’environnement de la mairie de Constantine. A part cette intention, les vendeurs d’oiseaux peuvent continuer en toute quiétude leur activité, loin de tout contrôle sanitaire ou autre.
Nettoyeur hors pair :
Le chardonneret vit dans les vergers, il affectionne particulièrement les arbres fruitiers qui se trouvent près des cours d’eau et les graines de chardon, d’où il tient son nom. Sa chasse immodérée, l’urbanisation, la pollution et l’usage excessif des engrais ont mis sa population à mal. Son devenir est compromis, compromettant ainsi le notre et celui de l’écosystème.
Comme tout être vivant, le chardonneret aussi joue sa partition au sein de la communauté des êtres vivants qui se côtoient dans la nature. C’est un nettoyeur hors pair ! Il purifie les écorces des arbres des bourgeons, les vers des fruits et des insectes pour nourrir ses petits. «A cause de son déclin, les arbres sont malades et cela se traduit forcément par un déséquilibre de notre écosystème», s’inquiète M. Sebih, président de l’APNE.
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La pénitence du prince crooner
C’est un infatigable chanteur au répertoire indémodable, ayant traversé les siècles et bercé des générations de passionnés de «7 à 77 ans». Il est source d’inspiration pour de nombreux chanteurs et artistes. Adulé, il est présent dans près de la moitié des foyers algériens. Pour s’en procurer un, certains sont prêts à tous les excès, toutes les folies. Il s’agit du chardonneret, appelé aussi «prince des oiseaux», actuellement en voie d’extinction dans notre pays.
Insatiablement pourchassé, capturé, introduit clandestinement de l’étranger, dopé et vendu pour le plaisir des sens, le chardonneret a laissé des plumes ces dernières années, beaucoup de plumes, dans un commerce illégal, mais «toléré» par un Etat absent.
Vendu dans des marchés aux oiseaux non réglementés, cet volatile au plumage chatoyant et bigarré fait partie des espèces animales non domestiques protégées en Algérie par le décret 83-509 du 20 août 1983.
Théoriquement, car la réalité est toute autre. Cela fait déjà plusieurs années qu’une poignée d’associations et de passionnés d’ornithologie ne cessent de tirer la sonnette d’alarme quant à la mort lente de cet oiseau dans la nature, sans que cela ne fasse réagir les autorités. Dernièrement, au cours du mois d’avril, un jeune Algérien a posté une vidéo sur les réseaux sociaux, dans laquelle il convie les éleveurs de chardonnerets, surnommé «El Maknine» dans le langage populaire, à «participer à la renaissance de cet oiseau» en libérant deux oiseaux (un mâle et une femelle) dans la nature. Sachant que la nidation du chardonneret intervient quatre fois par an, ce jeune estime qu’une fois libérés, ces couples d’oiseaux pourraient donner au bout de six ans une population qui s’élèverait à 30 000 sujets.
Cette initiative aura-t-elle eu un écho favorable ? Sur Facebook en tout cas, les passionnés d’ornithologie sont unanimes : il faut cesser de chasser les espèces protégées et s’organiser en vue de promouvoir l’élevage des oiseaux en captivité.
C’est notamment l’ambition première de l’Association ornithologique algéroise (AOA), fruit d’une passion qui regroupe des éleveurs d’oiseaux de cage et de volière. Présidée, depuis 2008, par Toufik Djebloun, un ingénieur en génie mécanique et éleveur de canaris et de chardonnerets, cette association aspire à préserver les espèces sauvages par le biais d’actions visant notamment à vulgariser et intensifier l’élevage des oiseaux en cage.
Pour ce faire, «l’AOA organise des manifestations ornithologiques et des rencontres mensuelles en direction des débutants et des nouveaux éleveurs pour parfaire leurs connaissances et améliorer les conditions de détention de nos amis ailés», nous confie son président, surtout que dans notre pays, «les gens ignorent l’abc de la propreté et de l’élevage. Le chardonneret est une espèce sauvage, il ne supporte pas de rester au milieu de sa fiente. En France, par exemple, il faut détenir un certificat de capacité d’élevage de chardonneret pour pouvoir en faire», affirme t-il.
Sociabilité fatale
Le commerce et l’élevage des oiseaux en Algérie n’étant pas réglementés, n’importe qui peut s’autoproclamer éleveur, mais peu y parviennent. «Le chardonneret par exemple est difficile à élever en captivité, car cet oiseau a besoin avant toute chose de propreté, ainsi que d’une alimentation saine et appropriée, en respectant certaines règles et consignes», précise notre interlocuteur.
C’est pour cette raison que les chardonnerets issus de la reproduction ne sont pas légion. «Ils sont cédés entre connaisseurs, dans des cercles fermés à cause du nombre très réduit de ces oiseaux et à la forte demande. Ils sont commandés dans les nids, ce qui ne permet pas de les vendre dans les marchés aux oiseaux», soutient M. Djebloun, tout en assurant que «tous les chardonnerets proposés à la vente sont issus de la chasse illégale». Chassé sans état d’âme, le chardonneret fait chaque semaine le bonheur des amateurs comme les passionnés d’ornithologie dans des marchés aux oiseaux hebdomadaires.
Pire : malgré qu’il soit prétendument protégé, le chardonneret reste, de loin, l’espèce la plus demandée et la plus vendue en Algérie ! «Bien que ce soit une espèce sauvage, le chardonneret est sociable et apprécie la compagnie des humains, c’est pour cette raison que sa chasse est facile. Elle intervient généralement au cours des mois de mars, avril et mai, correspondant à la période de sa reproduction», relève M. Sebih, président de l’Association de protection de la nature et de l’environnement (APNE).
Selon ce défenseur de la nature, «aucun recensement, ni fichier technique n’existe pour avoir un chiffre exhaustif concernant la population de chardonnerets résiduelle. Il en existe encore un peu du côté de Sétif et de Souk Ahras, mais il se fait de plus en plus rare. On le ramène à présent du Maroc, même s’il chante moins bien que celui de l’Est algérien». Or, à l’est du pays, il est actuellement pratiquement inexistant, décimé par des prédateurs sans scrupules.
On tue pour El Maknine
Un jeune de 19 ans a perdu la vie après avoir été poignardé, le 18 mai, dans la commune de Boumerdès par un de ses congénères suite à un litige autour d’un… chardonneret. Une triste affaire qui renseigne sur l’engouement démesuré que suscite ce crooner au chant envoûtant.
Cet engouement a atteint des proportions telles que de véritables filières de «passeurs» d’oiseaux de cage, «sous l’impulsion de gros bonnets et hommes d’affaires», dit-on, ont tissé leurs toiles pour l’acheminer via les frontières du royaume chérifien, mais aussi d’Europe.
Ce volatile fait pourtant partie des 107 espèces d’oiseaux protégées en Algérie. L’article 92 de la loi n°04-07 du 14 août 2004 relative à la chasse stipule que «quiconque chasse les espèces animales ou les détient, les transporte, les colporte, les utilise, les vend ou les achète ou les mets en vente ou les neutralise, est puni d’un emprisonnement de 2 à 6 mois et d’une amende de 10 000 à 100 000 DA».
Il est donc interdit de le détenir, de le vendre ou de l’acheter. Une somme d’interdits superbement et collectivement foulée aux pieds par les Algériens, démesurément obnubilés par ce bel oiseau, au point qu’on trouve plus de chardonnerets en cage qu’en liberté ! «Cet oiseau s’est complètement éteint dans la nature, mais il doit en exister au moins 20 millions en captivité», soutient le président de l’association ornithologique algéroise.
Soit plus de la moitié de la population algérienne ! Il arrive que les services de la Gendarmerie nationale appréhendent des chasseurs de chardonnerets, mais cela reste insuffisant eu égard à l’hémorragie dont est victime cette espèce «présumée» protégée par la loi. «Notre association a organisé des campagnes de sensibilisation à ce sujet au niveau des universités, des journées d’étude, on a dénoncé les massacres du chardonneret dans les journaux, à la radio et fait également des lâchers symboliques. Mais avant tout, la loi doit être appliquée avec fermeté», souligne le président de l’APNE.
«Viagra et kif» au menu
Le chardonneret, tout comme le canari sont très prisés pour leur chant. Toutefois, c’est le chardonneret qui se classe en tête du podium. Pour appâter les clients potentiels, des éleveurs n’hésitent pas, nous dit-on, à «doper» les oiseaux pour améliorer la qualité de leur chant et booster leur prix de vente. «Certains éleveurs donnent du viagra en quantité très infime à leurs oiseaux pour qu’ils chantent mieux, d’autant que les chardonnerets originaires du Maroc ont la réputation de chanter moins bien que ceux de l’Est algérien», nous a confié un oiselier de Constantine.
Sceptique, le président de l’AOA nous a confirmé l’utilisation de substances dopantes comme le C3 contenant de la vitamine E, mais concernant le Viagra, il juge cela «un peu exagéré».
D’autres éleveurs utilisent, quant à eux, des graines de chènevis, généralement très recherchées par les oiseaux. Ces graines (connues également sous le nom de chanvre ou cannabis) proviennent d’une plante qui pousse à l’état sauvage, appelée «kif» dans le jargon populaire, et sont proposées aux chardonnerets et aux canaris en petites quantités pour stimuler le chant, la couvaison et l’élevage.
Pour Toufik Djebloun, «les graines de chènevis sont couramment données aux oiseaux, que ce soit chardonnerets ou canaris et comme tout autre graine, l'abus est mauvais.
Ces graines contiennent des vitamines, mais leur nom populaire "kif" ne corresponds pas à ce qu'on entend par cette appellation». Viagra ou kif quelle que soit la dénomination de ces substances dopantes, ces pratiques ont une visée purement commerciale, sachant que sur le marché le prix du chardonneret oscille entre 2000 DA et …150 000 DA. Celui originaire du Maroc est vendu entre 2000 à 3000 DA, contrairement à ceux importés d’Europe dont le prix varie de 5000 à 12 000 DA.
Quant aux becs crochus, comme les perroquets, généralement acheminés en catimini d’Afrique du Sud et commandés par «de gros bonnets et riches hommes d’affaires», nous dit-on, ils sont cédés à… 120 millions de centimes ! Des espèces qui ne sont bien entendu jamais exposées sur les marchés !
Ce trafic met à nu l’absence de règles d’un commerce en plein essor en Algérie, même si — paradoxalement — il n’existe même pas d’association nationale d’ornithologie susceptible de protéger les oiseaux ou de représenter le pays lors de manifestations internationales. En Algérie, l’ornithologie est encore loin d’avoir pris son envol...
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On doit avoir notre bac, oui ! Mais quel B. A. C. ?
Le diplôme s’est-il perdu dans la société ? Ou bien est-ce la société qui s’est perdue dans le diplôme ?
Le bac, ou baccalauréat, est un diplôme que l’on obtient, après avoir réussi, avec plus ou moins d’éclat, une batterie d’épreuves. Les élèves et leurs parents n’ont que ce mot en bouche, l’abréviation en trois lettres jette une confusion sur son étymologie. Certains le croient sigle. Les erreurs renferment parfois de grandes leçons.
Brise ! Arrache ! Cris ! : Le classique des modernes, le rêve de liberté, après plus d’une décennie : l’élève peut enfin espérer sortir du carcan infantilisant de «l’éducation» et de ses trois tribunaux (école, maison, société). La célèbre phrase «juste un dix» est trop souvent évoquée dans ce contexte. Malheureusement, on confond liberté et fuite en avant.
Bouchon Anti Chahut : Ah ! Les parents, leur présence est thérapeutique, mais attention, aucun médicament n’est sans danger. La question du dosage est vitale. Le harcèlement — avouons-le — a d’autres sources. Pour trouver la vôtre, répondez à cette question : dans la bouche de qui vais-je ranger mon diplôme ? Ou plutôt une photocopie du diplôme.
Besoin Ardent de Compagnie : les réalistes l’appellent Billet A la Consommation. Le lycée reste un espace de «sociabilité» exigu. Le diplôme est donc une invitation au salon du cœur. Les Algériens adorent les salons, ils sont près à disséquer des spécimens littéraires au nom de cet amour, alors quand ce dernier s’unit à l’«Autre» ; feu d’artifice.
Barricade Après le Chaos : en d’autres termes, le bac de la fin, fin du monde ; le monde scolaire dont les fondements et les repères sont constamment menacés. «Y aura-t-il deux sujets ? Où sera fixé le seuil ? Va-t-il y en avoir un ? A quoi servira la fiche de synthèse ? Qu’est-ce qu’une fiche de synthèse ?». Sans oublier les revendications syndicales et les grèves qui leur sont dédiées. Les lois de la nature vont-elles changer cette année ? L’élève voit naître en lui une insécurité décourageante.
Bricolage, Affichage et Cie : une entreprise nationale, elle emploie des centaines de milliers d’élèves. Ces derniers peuvent être perçus, par un œil administratif, comme ayant des profils divers (bons, moyens, limités), mais ils ont un point commun : l’absence de passion. La monotonie socio-intellectuelle les pousse à suivre un courant dont ils ignorent — délibérément — la direction. Vous me direz : «quelques-uns d’entre eux sont excellents», alors pourquoi ne décerne-t-on pas aux oies gavées des prix d’excellence avant de les tuer ?
Braconnier Avant Chirurgien : La médecine est une discipline dont la valeur est connue et reconnue devant l’affaissement — voulu — de certaines branches et le manque de visibilité d’autres, les élèves algériens sont près à piéger la réflexion par la mémorisation. Ils tuent les savoirs pour les revendre au marché noir sur blanc des points. Oh, seize le tout puissant ! Abandonner les études de médecine après trois ans, devenir chirurgien avec la phobie du sang, personne ne remettra jamais en cause ton jugement, mais ton appétit est de plus en plus grand. Désormais, on te sacrifie deux bacs et deux années, sans la moindre garantie que tu sois satisfait.
Il existe un autre diplôme, composé celui-ci, un B.A.C. minoritaire. B pour Briller, briller en société et rencontrer le Président. A pour Affaire, une transaction matérialiste. Par exemple, un papier sur lequel est écrit «mention bien» contre un autre sur lequel est écrit «carte d’immatriculation automobile». Enfin, C pour Cadeau, des parents ne refusant rien à leurs enfants ou un fils soucieux de faire plaisir à sa maman. Ce diplôme peut être complémentaire des précédents.
Je ne dis pas qu’il faut crier au feu pour que les gens viennent admirer la beauté des flammes. Malgré les déformations sociopolitiques, les intérêts financiers, le diktat du parcœurisme et les divagations des ignares dont j’en fais probablement partie, le bac reste une magnifique aventure. Et vous, quel est a été votre B.A.C. ?
Saïdi Amine Nour Eddine , lycéen, candidat au baccalauréat 2015
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Il y a 53 ans, l’incendie de la bibliothèque de l’université d’Alger
Le 7 juin 1962 à 12h27, un important incendie provoqué par les extrémistes de l’OAS a ravagé la bibliothèque universitaire d’Alger. Le bilan est lourd : près de 400 000 livres brûlés sur les 600 000 ouvrages que comptait la bibliothèque, et des dégâts estimés à l’époque à 7 milliards d’anciens francs.
Selon les témoignages des anciens travailleurs algériens, ce «crime culturel» a été commis avec la complicité même des fonctionnaires français de la bibliothèque, qui collaboraient avec à l’OAS, et vouaient une haine pour les Algériens. On disait à l’époque que la France ne voulait guère léguer à l’Algérie à la veille de son indépendance une bibliothèque aussi riche. L’incendie a provoqué de vives réactions en Algérie et partout dans le monde.
Un large mouvement de solidarité, exprimé par diverses organisations, avait abouti à la création, le 21 décembre de la même année, du comité international pour la reconstruction de la bibliothèque de l’université d’Alger (CIRBUA), avec pour but la remise en état des bâtiments, des fonds, et l’équipement de la salle de lecture. Un appel pour la collecte de fonds, sous différentes formes, a été lancé par le Cirbua à l’échelle nationale et internationale. Un appel qui avait reçu un écho favorable.
Dans son numéro 66 du 1er trimestre 2008, la revue Philnews révèle : «En juillet 1962, l’union postale arabe avait invité tous ses pays membres à émettre un timbre avec surtaxe, pour la collecte de fonds, en solidarité avec l’Algérie, tout en dénonçant la barbarie de l’acte commis par l’OAS». Etrangement, c’est la Syrie qui avait été le premier pays à émettre son timbre-poste surtaxé dès 1964 (bien avant l’Algérie).
Elle sera suivie en 1965 par la Jordanie, le Yemen, l’Irak et l’Egypte, puis la Libye et la Poste saoudienne. Il a fallu attendre trois ans pour que l’Algérie décide enfin de commémorer l’anniversaire de ce tragique événement, en émettant, le 7/6/1965, un timbre-poste d’une valeur de 0,2 DA, avec une surtaxe de 0,05 DA. Tiré à 500 000 exemplaires, et sorti de l’imprimerie des PTT de Paris, le timbre, qui symbolise des livres consumés par le feu, est l’œuvre de Choukri Mesli. Artiste très en vue à l’époque, Mesli, né à Tlemcen en 1931 dans une famille d’intellectuels et de musiciens, a connu un parcours atypique.
Après l’installation de sa famille à Alger en 1947, il rejoint l’Ecole des beaux-arts où il devient l’élève de Mohamed Racim, avant de partir à l’Ecole de Beaux-arts de Paris en 1954. Militant au sein du FLN, il participe à la grève des étudiants en 1956, alors que des membres de sa famille ont été arrêtés au maquis. Professeur de peinture à l’Ecole des Beaux-arts d’Alger en 1962, il est membre fondateur de l’Union nationale des arts plastiques (UNAP), créée en 1963.
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Sihem Benniche va représenter l’Algérie à la coupe du monde de Slam : Slam Alikoum
Pour cette bougiote pur sucre - elle est née à Tichy et a grandi à Tala Merkha -, écrire est un acte spontané, naturel, comme celui de respirer, boire ou manger. Le slam ? Un art urbain proche de la rue. Il n’y a pas de différence, que l’on slame ou que l’on déclame.»
Cette jolie brune élancée va représenter l’Algérie à la Coupe du monde du slam qui aura lieu à Paris, la capitale française, ce mois-ci. Le slam, pour ceux à qui cet anglicisme branché ne dit rien, n’est pas une nouvelle discipline sportive liée aux arts martiaux, ni une danse où l’on joue à se contorsionner à qui mieux mieux. C’est un concours de déclamation de textes poétiques.
Euh… plaît-il ? Parfaitement. Il n’y a pas que les championnats du monde où l’on joue à transpercer des défenses et à marquer des buts. Il y a donc un concours mondial où l’on se réunit pour déclamer de la poésie dans toutes les langues que Dieu, dans son infinie sagesse, a pris soin de créer. Et c’est à la pétillante Sihem Benniche qu’échoit le redoutable honneur de représenter l’Algérie à ces joutes mondiales.
Il faut dire que le slam, Sihem ça l’habite depuis sa plus tendre enfance. Elle est tombée toute jeune dans la marmite de la littérature et n’a jamais eu l’envie ni la volonté d’en sortir. Si bien qu’elle est aujourd’hui étudiante en littérature française, inscrite en Master II des sciences des textes littéraires.
Le sujet de sa thèse ? La littérature de l’absurde à travers Habib Ayoub et son Le Remonteur d’Horloge. La vie est tellement absurde qu’heureusement il y a la poésie et la littérature pour nous faire passer sa pilule amère.
Comment est née cette vocation de jouer avec les mots et les maux et d’en jouir ? Sihem s’en rappelle bien. En cinquième année primaire, elle était une élève assidue, mais à qui il arrivait parfois d’être prise en défaut. Un jour qu’elle avait oublié de faire son devoir, le maître de classe, réputé pour être très exigeant envers ses chères têtes brunes, lui demande d’écrire un poème sur son prénom pour se faire pardonner. Des punitions comme ça, on en voudrait plus souvent, n’est-ce pas ? Aussitôt dit, aussitôt fait et plutôt bien fait.
C’est ainsi que la petite Sihem se rendit compte qu’elle pouvait très bien faire des poèmes, un art que, jusque-là, elle croyait réservé aux grands. «J’ai écris en arabe un poème tout drôle, tout mignon sur mon prénom», dit-elle avec le sourire en rejetant d’une main une mèche rebelle. Une vocation était née. Pour cette bougiote pur sucre — elle est née à Tichy et a grandi à Tala Merkha —, écrire est un acte spontané, naturel, comme celui de respirer, boire ou manger. Le slam ? «Un art urbain proche de la rue. Il n’y a pas de différence que l’on slame ou que l’on déclame. Il y a de la rime, mais surtout du rythme», dit Sihem.
Sa référence ? Le slameur français Grand Corps Malade qu’elle admire et prend comme modèle. Ce n’est pas tout : comme toute étudiante en littérature française qui se respecte, Sihem a d’autres références plus classiques, comme le grand poète Louis Aragon. «Aragon, c’est profond, c’est pas juste descriptif. Je suis attirée par le côté existentialiste». «Je slame depuis que j’écris», dit-elle encore, car vous l’avez peut-être déjà compris, le slam est affaire d’écriture, de poésie et de littérature.
«Je n’écris pas pour moi, je n’écris pas par envie d’écrire. Le mot ne me guérit de rien. Au contraire, il montre du doigt mes maux… mais j’écris quand même. J’écris en attendant de comprendre pourquoi j’écris, car pour écrire je n’ai pas besoin d’en connaître la raison», dit-elle, un brin philosophe.
Sihem, Sam pour les intimes, est également l’une des animatrices du fameux Café Littéraire de Béjaïa qui fait défiler sur la scène du théâtre bougiote écrivains, polémistes, artistes, et essayistes devant un public qui n’en demande pas mieux.
En attendant le jour J et ce rendez-vous à Paris, ville de poètes et de lumières, elle stresse. «Je stresse, j’ai un mémoire à déposer», dit-elle en mâchouillant nerveusement la paille plongée dans son coca-cola sur une terrasse de café sur la fameuse Place Gueydon. Pour oublier son stress et surtout pour nous faire plaisir, elle se met à déclamer un de ses beaux poèmes. C’est beau comme ce soleil couchant qui inonde de lumière le superbe golfe de Bougie. De la ville des bougies à celle des lumières, Sihem va sûrement briller. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
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«Les clichés autour des enfants abandonnés sont injustes»
Au moment de l’accouchement, la mère célibataire signe une décision où elle consent à l’abandon de son bébé à titre provisoire. Alors qu’en réalité cet abandon devient souvent définitif.
Dans ce cas, l’enfant qui n’est pas récupéré par sa maman ne peut être placé par nos services dans des familles d’accueil. C’est pourquoi nous lançons un appel aux plus hautes autorités judiciaires pour revoir ces deux procédures dans l’intérêt exclusif de l’enfant abandonné», a-t-on unanimement insisté. Et il n’y a pas que les enfants nés sous x qui en pâtissent : des contraintes idendiques s’imposent lorsqu’il s’agit d’enfants faisant l’objet de placement judiciaire «provisoire». Censé durer quelques jours ou quelques mois, le séjour dans les orphelinats des enfants retirés de leur milieu familial sur décision judiciaire dépasse souvent la dizaine d’années, soit jusqu’à l’âge adulte, voire au-delà.
La situation de l’enfant s’en retrouve ainsi pendante : outre son abandon par sa famille, il ne peut être, au plan administratif et légal, placé dans des familles d’accueil dans le cadre de la kafala. A quelle catégorie d’enfants peut justement s’appliquer le placement judiciaire dit
provisoire ? «quand l’enfant est en danger.
Elle s’applique également lorsque le milieu familial n’est pas en mesure de garantir sa santé, sa sécurité ou sa moralité, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, psychologique, affectif, intellectuel et social sont gravement menacées. A ce moment, le juge des mineurs peut décider du retrait de l’enfant de ce milieu familial. Par cette mesure de placement, le juge cherche la protection de l’enfant», explique Me Yamouna Merabti, avocate au barreau de Annaba.
Et les cas les plus répandus en la matière ? «Le juge des mineurs place des enfants abandonnés — pour des raisons qui leur sont propres — par leurs parents divorcés. Il y a les enfants dont les parents sont décédés et abandonnés par leurs familles et les enfants abandonnés à la naissance par leur génitrice célibataire», précise Me Merabti, également présidente de l’Association des droits de l’enfant (Aden). D’où le nombre sans cesse croissant d’enfants dont l’avenir reste indéterminé, séjournant dans les foyers pour la petite enfance.
C’est le cas, par exemple, de l’Etablissement pour enfants assistés (EEA) de Ben M’hidi dans la wilaya d’El Tarf, une véritable oasis de chaleur familiale où vivent une quarantaine d’enfants dont la moitié y a été placée sur décision judiciaire. «Notre structure est censée accueillir des pupilles de l’Etat (décret exécutif 12-04), c’est-à-dire les enfants nés sous x. Mais nous accueillons souvent des enfants dont le placement a été décidé par le juge des mineurs», souligne Issam Hamani, le directeur général de l’établissement, qui ajoute : «La situation d’un certain nombre de mes enfants pensionnaires m’affecte particulièrement : ces enfants nous ont été confiés par leurs parents pour quelque temps en raison de contraintes socio-familiales majeures, se défendent-ils, mais ils ne les récupèrent pas.
Le comble, ils viennent leur rendre visite durant les fêtes religieuses ou les week-ends et repartent en les laissant en pleurs. C’est dramatique !» Pour ce responsable, la révision de la loi en matière de placements judiciaires est vivement souhaitée pour le bien-être et l’équilibre psychologique de l’enfant. «Nous avons fédéré nos efforts pour l’épanouissement des enfants de l’établissement, mais nous ne pourrons jamais remplacer les parents», dira-t-il encore.
Toutefois, ajoute-t-il, assurer un environnement favorable où les pupilles de l’Etat peuvent vivre dans la sérénité, reste une préoccupation permanente. L’EEA de Ben M’hidi accueille des garçons de 6 ans issus de la pouponnière El Moukaouama de Annaba, lequel est doté d'une capacité d’accueil de 50 nouveau-nés, avec en moyenne trois à quatre enfants abandonnés par semaine. L’abandon dit «provisoire» par les mères célibataires doit également être réétudié par la loi, car l’impact psychologique sur l’enfant est terrible, met en garde la présidente de l’association Aden : «Il y a quelques années, j’ai eu à m’occuper du cas d’un bébé né à la suite d’un accouchement sous x et placé dans notre pouponnière.
Cet enfant n’avait pas connu d’autre famille que celle qu'il avait à l’hôpital. Quelques jours après sa naissance, sa mère biologique est revenue sur sa décision d’abandon, puis finalement, un mois plus tard, elle a encore changé d’avis et renoncé à nouveau. Ensuite, une famille a confirmé vouloir l’adopter. Finalement, cette famille elle aussi a renoncé à l’enfant.
Le bébé, lui, ne pouvait plus regarder quelqu’un, y compris moi à qui il était habitué. Cet enfant exprimait, à sa manière, qu’il ne faisait plus confiance à personne et il avait raison d’être fâché avec nous, les adultes, qui nous sommes montrés indignes de confiance», se souvient encore A. M., une ancienne nourrice de l’établissement pour bébés abandonnés.
Quand Les parents ne les récupèrent pas
Et le nombre de placements de bébés abandonnés qui ne cesse de croître, à quoi serait-il dû ? Des sources de la Direction des affaires sociales (DAS) l’expliquent par la vocation régionale qu’a tendance à prendre la pouponnière de Annaba. «Les mères célibataires ne sont pas toutes originaires de Annaba. Elles viennent de toutes les wilayas du pays, même de l’extrême-ouest et du Sud. Elles choisissent Annaba pour son statut de grande ville où elles y enfantent dans l’anonymat et où elles sont sûres d’accoucher dans de bonnes conditions».
L’orientation continue de garçons nés sous x ou retirés de leur milieu familial sur décision judiciaire vers l’EEA d’El Tarf est également une réalité que ce dernier arrive à gérer, mais non sans difficultés : «En plus de Annaba et El Tarf, nous accueillons des enfants de Souk Ahras, Guelma et de Tébessa, là où il n’existe pas d’établissement pour les garçons mineurs.
Ce qui ne nous empêche pas pour autant de nous en occuper jusqu’à l’âge adulte. Sur nos 37 pensionnaires, 7 ont dépassé 18 ans et ils sont toujours chez nous, car n’ayant pas où aller.
Des démarches entreprises auprès des APC d’Echatt et Ben M'hidi sont en passe d’aboutir. Ils devraient bénéficier de logements dans les tout prochains jours», se réjouit M. Hamani qui, dans la foulée, a tenu à souligner que des «éducateurs, psychologues et assistantes sociales travaillent avec un dévouement absolu pour aider ces enfants à se construire dignement, loin de tout souci interne ou externe susceptible d’affecter leur personnalité. Les clichés et les stéréotypes négatifs construits à leur égard sont totalement erronés et injustes. Nos enfants sont bien éduqués, tous sont scolarisés et obtiennent d’excellents résultats à l’école, s’ils n’y sont pas les premiers.
Plusieurs sont aujourd’hui à l’université ou occupent des postes de responsabilité et ont fondé des familles.» Et M. Hamani d’ajouter avec fierté : «La violence, la toxicomanie sous toutes ses formes, ou autres maux sociaux tels que la délinquance sont des phénomènes totalement étrangers à nos enfants.
Pour preuve, les familles qui ont adopté plus d’un parmi eux, dont l’âge va de 7 à 12 ans, en sont plus que satisfaits. Aussi, outre les nombreuses distinctions académiques, les premiers prix de compétitions de dessin, de sport remportées, nos enfants se sont adjugés tout récemment le prix du meilleur projet familial éducatif au terme d’un autre concours national, tous deux organisés par l’Association espagnole Paix et coopération en collaboration avec l’Unicef».
C’est en quelque sorte un message rassurant à destination des familles intéressées par l’adoption d’enfants assistés. Le parrainage, l’autre moyen d’offrir une chaleur familiale pour l’enfant, même si c'est pour un temps limité, est ce sur quoi met l’accent M Hamani. «Nous encourageons la démarche du parrainage pour le bien-être des enfants abandonnés.
Nous sommes en train de sensibiliser les familles pour qu'elles accueillent des pupilles de l’Etat ou les enfants placés par le juge pour de courts séjours, des week-ends, le Ramadhan, fêtes religieuses, mariages pour les préparer psychiquement aux milieux familiaux. Car nombre d’études ont fait ressortir et établi que l’enfant subit une sorte de traumatisme lorsqu’il est placé dans une famille d’accueil.
Ce traumatisme est dû au changement subit d’environnement. Il a évolué pendant ses premières années dans un centre avec un mode de vie, pour se retrouver dans un milieu tout autre et auquel il n’est pas habitué.
C’est pourquoi nous lançons un appel aux âmes charitables afin qu'elles pensent à ces enfants et de nous aider à leur offrir du bonheur. N’ayant pas eu la chance de goûter au bonheur de vivre auprès de leurs parents biologiques, nous devons essayer de leur procurer l’environnement adéquat pour vivre une enfance normale et équilibrée.»
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«Les diplômés de l’université ont joué un rôle-clé dans l’éveil de la société algérienne»
Le mouvement des travailleurs contractuels (collectifs autonomes ou comités des contractuels), notamment celui des enseignants, mobilise parfois plus que les syndicats agréés. Comment expliquer ce paradoxe ?
Il faut commencer par rappeler que ces mouvements des travailleurs contractuels sont apparus en premier au niveau de l’Education nationale. Les enseignants contractuels des années 1990 et du début des années 2000 vont se structurer dans la Coordination nationale des enseignants contractuels (CNEC).
La CNEC organisera un ensemble d’actions de protestation à partir de 2008 qui vont aboutir au recrutement dans des postes permanents d’un grand nombre d’enseignants contractuels. Le mouvement des enseignants du CNEC a été le capteur social qui a alerté en premier la société algérienne sur les dangers du travail précaire et l’arrivée du CDD (contrat à durée déterminée) dans le marché de l’emploi en Algérie (aussi bien dans la Fonction publique que dans le secteur économique).
En fait, ce sont les réformes libérales entamées par les pouvoirs publics à partir de 1994 dans la cadre du Plan d’ajustement structurel (PAS) du FMI qui vont faire rentrer le CDD dans le marché de l’emploi en Algérie. Par exemple, la majorité des jeunes diplômés de l’université dans les années 2000 n’auront plus la chance comme leurs aînés des années 1970 et 1980 d’avoir un premier emploi permanent juste à leur sortie de l’université. La grande mobilisation des enseignants contractuels peut s’expliquer aussi par une «identité générationnelle», qu’on retrouvera à partir des années 2011-2012 chez les militants de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC).
La majorité des enseignants contractuels et des militants de la CNDCC a suivi le système classique de l’enseignement supérieur (DES, licence de 4 ans et diplôme d’ingénieur), utilise les réseaux sociaux d’internet pour communiquer, et a réinventé une solidarité syndicale, sociale et des nouvelles formes de lutte que le mouvement syndical autonome corporatiste a perdues.
Ces mouvements sont également caractérisés par des revendications qui aboutissent à chaque fois. Alors que certains mouvements menés par des syndicats agréés se sont terminés en queue de poisson. Quelles sont les raisons qui font aboutir à chaque fois les mouvements des travailleurs contractuels ?
Non, on ne peut pas dire que toutes les revendications des travailleurs contractuels (dans la Fonction publique et dans le secteur économique) en Algérie ont abouti. Sinon, nous n’aurions pas eu la naissance dans les années 2011-2012 du mouvement national des chômeurs qui est regroupé dans la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC).
Il faut préciser que la CNDDC qui regroupe des diplômés de l’université de toutes les disciplines a joué, à mon avis, aussi un rôle-clé dans l’éveil de la société algérienne aux nouvelles questions du chômage des jeunes diplômés, de l’inégalité à l’accès à l’emploi, de la problématique de la création de l’emploi générateur de richesse et de bien-être pour la société, du travail précaire …
Il ne faut pas, à mon avis, sous-estimer les acquis décisifs du mouvement syndical autonome corporatiste algérien depuis sa naissance en 1989, particulièrement dans le secteur de la Fonction publique en ce qui concerne le statut de la Fonction publique, les statuts spécifiques, les salaires, le logement, les libertés syndicales…
Il faut aussi rappeler que des syndicats autonomes qui ont une ligne syndicale démocratique et revendicative comme le syndicat SNAPAP historique (présidé par Rachid Malaoui), le CLA (Conseil des lycées d’Algérie), le SESS (Syndicat des enseignants du supérieur solidaires, un syndicat qui attend son récépissé d’enregistrement depuis 2012) ont toujours montré une grande solidarité syndicale et sociale avec les divers mouvements des travailleurs contractuels et la CNDCC.
Les travailleurs, dans le cadre du pré-emploi de différents secteurs (secteur des communes, santé, éducation…), s’organisent et ne cessent de réclamer des postes permanents. Comment voyez-vous l’avenir de ces différents mouvements ?
Le mouvement des travailleurs contractuels (dans la Fonction publique et dans le secteur économique) dans l’Algérie de 2015 montre avant tout l’échec cuisant des réformes économiques néolibérales initiées en 1994 dans la cadre du PAS du FMI. Il pose aussi une question fondamentale sur la nature du projet économique et social de la société algérienne du XXIe siècle.
A mon avis, seul un projet politique et économique souverain (selon la définition de l’économiste et grand militant des droits politiques et sociaux des peuples, Samir Amin) permettra à notre pays de rétablir les espérances politiques, sociales et économiques pour toute la société.
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Contractuels : le refus de la précarité
Avec la crise économique qu’a connue l’Algérie dans les années 1990, une nouvelle forme d’emploi avec des contrats à durée déterminée a vu le jour, une situation qui perdure jusqu’à aujourd’hui. A l’inverse des enseignants qui ont vu leur situation débloquée, pour les contractuels des autres secteurs, la régularisation tarde à se concrétiser, plongeant ces derniers dans une grande précarité.
Ils n’ont pas le droit à la création des syndicats comme le stipule la loi, mais la mobilisation des travailleurs contractuels n’a pas laissé les autorités indifférentes à leur égard, comme cela été le cas pour de nombreux syndicats. «La mobilisation des enseignants contractuels tire sa force principalement de la situation précaire qu’ils vivent quotidiennement : travail sans perception de salaire pendant deux à trois ans», explique Idir Achour, secrétaire général du Conseil des lycées Algérie (CLA). Cet ex- enseignant contractuel estime que la précarité était à l’origine de cette prise de conscience.
«Le salaire d’un enseignant contractuel représente la moitié de celui d’un permanent», déplore Idir Achour. A cela s’ajoute «la corruption dans l’organisation des concours de recrutement et l’instabilité dans leurs affectations dans les divers établissements». De l’avis du syndicaliste du CLA, «la persistance de cette situation pour un contractuel le met devant deux alternatives : le premier et celui d’abandonner le métier et changer de vocation, le deuxième est la voie de la lutte pour la régularisation de sa situation.» Vu le peu d’opportunités proposées par le marché de l’emploi en Algérie, la plupart des jeunes diplômés aspirent à arracher un poste de travail permanent.
Et ce, non seulement dans le secteur de l’Education mais pratiquement dans tous les secteurs ayant opté pour les contrats à durée déterminée. A titre d’exemple, le secteur de l’Education fonctionne, selon les statistiques du CLA, avec un taux de 10 à 20% des contractuels depuis 1988. Cet état de fait a donné lieu à plusieurs mouvements de protestation des enseignants contractuels. Soit un mouvement tous les 5 ans pour réclamer leur intégration dans les postes qu’ils occupent depuis plusieurs année.
Ainsi, plusieurs décrets d’intégration de ces enseignants ont été promulgués de 1989 à 2011. A présent, 20 000 enseignants protestent depuis trois mois pour réclamer encore une fois des postes permanents. Idem pour les ouvriers professionnels et les corps communs de l’enseignement supérieur dont les contractuels représentent 60% selon la fédération nationale des travailleurs du supérieur affiliée au Snapap.
Contractuels pour gérer la masse salariale
Les jeunes recrutés dans le cadre de pré-emploi ne cessent d’investir la rue pour réclamer leur intégration dans les postes qu’ils occupent depuis des années. 90 000 travailleurs ont été recensés à l’échelle nationale alors qu’environ 3000 travailleurs se sont déjà structurés en comité affilié au Snapap. La durée moyenne pour ces travailleurs contractuels est estimée à 4 ans, tandis que les plus anciens ont déjà travaillé pendant plus de 10 ans avec des CDD.
Idem pour les autres contractuels du secteur de la santé affilié au Snapap dont le nombre dépasse 24 700. Ces derniers luttent depuis 2010 pour leur intégration. Ni les protestations sur le terrain, encore moins les négociations avec leur tutelle n’ont pu satisfaire leurs doléances. Tandis que leur nombre ne cesse d’augmenter. «On s’attend à avoir 50 000 travailleurs contractuels en 2015», estime M. Ben Messaoud, président de la Fédération nationale de la santé publique affiliée au SNAPAP.
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Hommes et femmes de culture sur timbres poste : Les éternels oubliés
Pour célébrer le 20e anniversaire de la mort de Moufdi Zakaria, la Poste algérienne a émis à son effigie un timbre le 17/8/1997.
Un portrait dessiné par Kamereddine Krim, en signe de reconnaissance pour cet homme qui a subi tant d’injustices. Le poète de la Révolution algérienne et l’auteur du célèbre hymne national Kassaman a été ainsi la première personnalité timbrifiée depuis l’indépendance.
En 35 ans, aucun hommage n’a été rendu sur des timbres-poste à des hommes et des femmes de culture. Malheureusement, ceux qui se sacrifient et produisent sont les éternels oubliés. Il faudra attendre le 8 juin 2000, date du lancement officiel de la Journée nationale de l’artiste, pour assister à la naissance d’une nouvelle tradition de commémorations circonstancielles et événementielles.
L’entame sera par une série de quatre timbres signés par K. Krim, rendant hommage à quatre personnalités : l’écrivain Mohamed Dib, le regretté chanteur et martyr Ali Maâchi, l’homme de théâtre Mustapha Kateb, et le maître de la miniature Mohamed Racim. Un bon début, même s’il ne sera pas régulier, et qui sera suivi deux ans plus tard par un hommage appuyé à l’artiste peintre Mohamed Temmam, à travers deux timbres illustrant un autoportrait et une de ses œuvres. En 2005, la Poste rend hommage à la poésie populaire à travers une émission consacrée à quatre noms célèbres : Lakhdar Benkhlouf, Benmessaïb, Si M’hand U M’hand et Aïssa Djermouni. L’année 2008 sera marquée par la fameuse bourde commise sur le timbre qui devait êtr
e consacré à Abdelhamid Benhadouga, mais qui portera finalement la figurine de Mohamed Dib, déjà timbrifié. Le timbre faisant partie d’une émission parue en hommage à Ahmed-Redha Houhou, Malek Bennabi et Kateb Yacine, sera finalement retiré, après avoir défrayé la chronique. La même année, l’artiste Baya Mahieddine a été la première femme de culture à avoir fait l’objet d’un timbre-poste.
Elle demeure l’unique à ce jour. Le regretté maître de la musique andalouse, Abdelkrim Dali, a été le dernier artiste à figurer sur un timbre-poste en 2014 à l’occasion du centenaire de sa naissance.
Aux dernières nouvelles, l’on saura que l’injustice commise à l’encontre de Benhaddouga sera finalement réparée en octobre prochain, lors d’une émission qui rendra également hommage à Mouloud Feraoun, M’hamed Issiakhem et Ismaïl Samsom.
Un petit bilan des émissions philatéliques en Algérie depuis l’indépendance fait ressortir que la culture a été la grande oubliée. En 53 ans, l’Algérie n’a rendu hommage qu’à 16 personnalités culturelles, dont une femme.
Ce qui est très peu au regard de ces innombrables hommes et femmes qui ont porté dans leur cœur la culture de leur pays, sans aucune contrepartie.
On a relégué aux oubliettes des maîtres comme El Anka, Mrizek, Menouar, Bachtarzi, Touri, Rachid Ksentini,
Iguerbouchene, Larbi Bensari, Cheikh Hamada, Cheikh El Khaldi, Ali El Khencheli, Cherif Kheddam, mais aussi des femmes telles Cheikha Tetma, Maâlma Yamna, Fadila Dziria, Meriem Fekkaï, Beggar Hadda, et d’autres noms illustres dont Mouloud Maâmeri, Malek Haddad, Mohamed Boudia, Assia Djebar, pour ne citer que ceux-là dans une liste très longue.
Pour l’histoire, aucun hommage n’a été rendu à la troupe artistique du FLN, alors que le cinéma algérien demeure le grand absent dans toutes les émissions philatéliques. Pour l’anecdote, il y a 40 ans, l’Algérie avait décroché la première Palme d’or au Festival de Cannes, l’unique dans le monde arabe à ce jour, grâce au film Chroniques des années de braise de Mohamed-Lakhdar Hamina. Une consécration qui n’a jamais fait l’objet de la moindre commémoration. Do-mmage.
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Baâzouz Ahmed, le témoin d’une guerre
C’est dans une modeste famille de paysans qu’Ahmed Baâzouz, de son vrai nom Bazouche Hammouche, a vu le jour le 13 mars 1922 à Al Adjiba, à l’est de Bouira.
Le jeune qui a grandi dans le travail de la terre et le commerce a été contraint par l’administration coloniale, en 1944, de passer son service militaire. Puis vint novembre 1954. La guerre de Libération se fait de plus en plus entendre et retentir dans plusieurs régions du pays. Le mois de février 1955, Baâzouz Ahmed avait décidé d’épouser la cause nationale.
Un mois après, il a été désigné à la tête d’un groupe de moussebiline qui venait d’être créé par d’autres valeureux combattants de l’ALN, à l’image d’Ahmed Cherarak, Ali Habi et Si Ouakli Amlikeche. Le mois d’avril 1956, le jeune moussebel rejoint officiellement les rangs de l’ALN, dans la section commandée par Ahmed Cherarak. La liste des batailles et les actions militaires auxquelles il a pris part aux côtés de ses compagnons d’armes est très longue. Ahmed Baâzouz, 93 ans, n’a pas oublié ce qu’il a vécu et enduré pendant la guerre. Les noms des hommes et des lieux défilent encore dans sa tête. Il a parcouru tous les recoins de la Région 2 et il a participé aux embuscades et accrochages contre l’armée coloniale. Il a failli mourir à plusieurs reprises.
L’embuscade de Tikjda (commune d’El Esnam), du 28 mai 1958 et la bataille d’Izerouel (Commune de Saharidj), du 30 du même mois, font partie de ces actions militaires les plus importantes auxquelles il a pris part avec courage aux côtés de valeureux combattants de l’ALN. De l’embuscade de Tikjda, il a récupéré une paire de jumelles qu’il garde jalousement jusqu’à aujourd’hui.
Les noms de ses compagnons d’armes, des jounoud et d’autres gradés comme Brahim Mouheli, Saïd l’Indochine, Moussa La Fayette, Ahmed Cherarak, Afdhis et les autres, reviennent régulièrement dans ses discussions. Baâzouz Ahmed a eu sa première promotion au grade de caporal en 1957 quand il a attrapé un soldat de l’armée coloniale lors d’un ratissage dans la région de Bordj Okhris. Il devient sergent en octobre 1960. Il a été promu un an plus tard au grade d’adjudant de secteur. Durant la période transitoire, soit entre mars et juillet 1962, il a été désigné comme chef de compagnie dans la Zone 2, région 2, Wilaya III.
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El Esnam (Bouira) : Sur les traces de l’embuscade de Tikjda
La commune d’El Esnam et la direction des Moudjahiddine de Bouira ont commémoré, jeudi 28 mai, le 57e anniversaire de l’embuscade de Thighzert à Tikjda, dans le versant sud du Djurdjura, à une trentaine de kilomètres au nord-est de la ville de Bouira.
C’était l’occasion également de rendre un vibrant hommage au lieutenant Hocini Lahlou, dit Si Lahlou, tombé au champ d’honneur lors de cette opération avec six autres valeureux martyrs. Ce brave officier de l’ALN était né le 19 décembre 1930 à Tavouda, village situé sur les hauteurs de Tazmalt (wilaya de Béjaïa). Il a rejoint les rangs de l’ALN en 1955.
Des dizaines de personnes ont afflué vers l’endroit où a eu lieu l’accrochage. Vieux, jeunes et moins jeunes. Une stèle commémorative y a été érigée depuis mars 2012 pour éterniser la bravoure des combattants de l’ALN. Les témoins ayant participé à cette opération militaire se font rares. L’un d’eux est Baâzouz Ahmed, de son vrai nom Bazouche Hammouche. Il avait sous sa responsabilité quatre jounoud en charge du fusil mitrailleur. C’est lui qui a donné l’ordre à ses soldats d’ouvrir le feu sur la Jeep à bord de laquelle se trouvaient un lieutenant nommé Langot et trois autres soldats français. Du haut de ses 93 ans, il garde encore une mémoire fraîche.
L’histoire remonte jusqu’à un après-midi du 28 mai 1958. Les combattants de l’ALN qui activaient dans cette zone avaient remarqué le déplacement d’un convoi de ravitaillement qui approvisionnait deux à trois fois par semaine à partir de la ville de Bouira l’une des compagnies du 22e Bataillon des chasseurs alpins (BCA) sous le commandement du capitaine Gaston.
C’est ce sinistre bataillon qui signera, le 21 juillet 1961, la mort du colonel Si Salah Zamoum et quelques officiers de la zone 2, wilaya III, notamment le lieutenant Aouchiche Boudjemaâ, le sous-lieutenant Gherbi Chérif, dit «Hadj Reghaoui. Les chefs de compagnie de la Région 2 et 3 de la Wilaya III, Brahim Mouheli et Saïd l’Indochine, après avoir épié pendant plusieurs jours le mouvement du convoi, raconte Ahmed Baâzouz, ont fait appel au groupe de choc de l’ALN commandé par le lieutenant Si Lahlou.
Si Lahlou, héros de Thighzert
«Une embuscade doit être préparée minutieusement des jours auparavant. Rien ne sera laissé au hasard», dit-il. Quand la décision a été prise conjointement par les responsables de l’ALN, tout le monde se trouvait au village d’Ivelvaren, sur les hauteurs de la commune de Saharidj. «Nous y avons passé la nuit, et le lendemain matin nous étions allés au village d’Ath Oualvane. C’est de là que nous avons aperçu une dense fumée. L’armée coloniale a déjà incendié la maison où nous étions la nuit», raconte encore le vieux maquisard. La veille de l’embuscade de Tikjda, le groupe de Si Lahlou et la compagnie de la Région 2 se sont accrochés avec une patrouille de l’armée coloniale à Takhellalt, près de Saharidj. Cela ne les a pas empêchés de poursuivre leur chemin vers Tikjda. Le lendemain, soit le 28 mai 1958, en milieu de journée, les combattants de l’ALN qui étaient près de deux cents éléments avaient pris position.
L’embuscade ne devait pas dépasser vingt minutes. Si Lahlou et quelques jounoud se sont cachés derrière une crête, au lieudit Ldjamaâ N Teghrifine. Le convoi qui est composé de deux camions militaires, un half-track et une Jeep et un avion de type «Piper» qui assurait une couverture aérienne, arrive. Mais il s’arrêta brusquement à quelques mètres avant l’endroit choisi pour l’embuscade. L’avion mouchard a dû découvrir quelque chose. Selon Ahmed Baâzouz, un groupe de six soldats, en formation de combat, se dirigeait vers l’endroit où Si Lahlou et son groupe se cachaient. Ces derniers ont ouvert le feu les premiers.
Les quatre soldats qui étaient à bord de la Jeep furent éliminés à leur tour par le groupe d’Ahmed Baâzouz. Les moudjahiddine ont vite récupéré les armes et les munitions (deux fusils mitrailleurs, un Mat 49, une carabine et une paire de jumelles) et se sont retournés dans leurs cachettes pour échapper aux bombardements des avions qui sont venus en renfort. C’est lors de cet accrochage que le lieutenant Si Lahlou et les six autres combattants de l’ALN qui étaient avec lui ont été tués. Selon un vieil homme qui se trouvait dans les parages lors de l’embuscade, les corps des moudjahidine ont été brûlés le lendemain par le capitaine Gaston, commandant du 22e BCA.
L’épopée d’Izerouel
Les pertes humaines infligées à l’armée coloniale étaient une dizaine de soldats. Pour ce qui est du bilan de l’embuscade, le nombre d’une cinquantaine de soldats de l’armée coloniale tués que l’on a annoncé et même inscrit sur un monument depuis plusieurs décennies a été revu. Le nouveau monument inauguré le 19 mars 2012 constitue une sorte de démenti historique.
Sur l’ancienne stèle érigée depuis de longues années à des centaines de mètres du lieu de l’embuscade est écrit que 56 soldats de l’armée coloniale ont été tués et 18 armes récupérées. La stèle s’y trouve toujours. Mis à part la Jeep et les soldats qui avaient devancé pour sécuriser le convoi, les autres véhicules étaient bien loin du lieu de l’embuscade, souligne-t-on. A la tombée de la nuit, les moudjahidine se sont repliés et ont regagné, le lendemain dans la soirée, la région d’Ighil Hammad, dans la commune de Saharidj.
Dans la matinée du 30 mai, les sentinelles de l’ALN ont aperçu les convois militaires qui affluaient de partout et se dirigeaient vers Ighil Hammad.
Les renforts arrivaient même du versant nord du Djurdjura. Un grand ratissage a été entamé pour cerner les compagnies qui ont fait l’embuscade de Tikjda. L’armée coloniale a mobilisé ses troupes, se souvient encore Ahmed Baâzouz. Le vieux maquisard se rappelle du courage de Saïd l’Indochine et de Brahim Mouheli lors de cette grande bataille qui s’est déroulée à Izerouel, haut lieu histoire, situé à quelques encablures au nord-est de Saharidj. On raconte que l’armée coloniale avec ses avions et parachutistes avait perdu une trentaine de soldats. Un seul moudjahid avait été tué ce jour-là. «C’est la bataille d’Izerouel qui mérite bien un monument.
Après l’embuscade de Tikjda, les accrochages avec l’ennemi se sont poursuivis presque une dizaine de jours», conclut Ahmed Baâzouz, l’un des derniers témoins de ces deux batailles et bien d’autres encore.
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L’Algérie côté pop art
Une vague de fraîcheur, apportant une vision colorée du quotidien algérien, souffle sur la scène artistique ces dernières années.
Plusieurs artistes, utilisant les codes pop-art, ont émergé, faisant montre d’un esprit vif et d’un humour irrévérencieux. Les œuvres s’adressent à une génération qui a connu à la fois les Souk El Fellah, l’arrivée de la parabole, l’ouverture du marché, la folie meurtrière des années 90’ et les quatre mandats d’Abdelaziz Bouteflika.
Nostalgie
A défaut de galeries d’art ou de musées, ils ont d’abord exposé leurs œuvres sur les murs virtuels des réseaux sociaux. Le succès fut immédiat. Walid Bouchouchi, à travers un concept narquoisement intitulé «Akakir», est considéré comme l’un des chefs de file de ce mouvement. Sur un fond graphique berbère, il magnifie certains produits et personnages de l’Algérie qui se rêvait un destin socialiste.
La soupe Campbell, immortalisée par Andy Warhol, devient «tchebchaq maricane», jeu enfantin bien connu de la génération précédant l’avènement d’internet et des jeux vidéo.
Mais ici, c’est Ali Belhadj qui brandit le tchebchaq. D’un coup, les souvenirs s’entremêlent. La galerie de la mémoire émerge à travers les tableaux qui ornaient les murs des demeures algériennes, de la fillette aux yeux clairs dont les larmes roulent sur un visage diaphane aux mains qui se tendent vers le ciel pour une prière.Plusieurs autres artistes jouent sur la fibre nostalgique.
C’est au café Madour, près de Boumerdès, qu’El Moustache a commencé à scribouiller ses premières calligraphies. «Je faisais du ‘‘tkherbich’’ (scribouillages) qu’un ami qualifiait de ‘‘calligraphie- catures’’ jusqu’à ce que je découvre le travail de Walid Bouchouchi. C’est le premier qui a lancé le mouvement, mais aujourd’hui chacun travaille à sa façon», nous dit El Moustache, artiste autodidacte qui ne cesse de déployer un art subtil, intelligent et iconoclaste.
Terrorisme
Dans ces photos retravaillées, les souvenirs d’enfance vous ramènent aussi au temps où l’Algérie était ensanglantée.
Le drapeau noir de Daech sera détourné par Walid Bouchouchi et portera le slogan «Qu’il est agréable de vivre», rappelant le célèbre générique du dessin animé Sinane. Les fantômes de la décennie noire continuent de hanter une génération qui regardait, à travers des yeux d’enfants, l’Algérie s’entre-déchirer.
Des silhouettes de Ninja sont reproduites dans les œuvres de Zako, travaillant sous les initiales KZD. Il présente un homme barbu brandissant un livre sur un fond d’écran d’enfants rigolards.
Passionné de «photos d’aventures», cet étudiant en littérature française vient à l’art un peu par hasard. «C’est un espace dans lequel je peux exprimer mes idées politiques, explique-t-il. Pour moi, les épreuves vécues aujourd’hui sont le fait de ce qui a été entamé pendant la décennie sanglante». Devant les bégaiements de l’histoire, soutient-il, il est encore des gens qui «se voilent la face».
Identité
Les motifs traditionnels, les symboles et les signes qui ont marqué la peinture algérienne sont omni-présents. Mieux, ils sont, pour El Moustache, artiste autodidacte, un «cheval de bataille» pour défendre une algérianité diluée dans la mondialisation et la «médiocrité». Son credo : «Ched fel asl». «Quand j’utilise des visuels algériens, je prends le soin de ne pas y accoler une image négative.
Notre patrimoine a été malmené depuis de nombreuses années. Ainsi, quand je fais un travail pour dénoncer la corruption (intitulé Sonatrach, energy drink), je n’y mets aucun signe algérien», propose-t-il. El Moustache, défenseur de la derja, regrette notamment que la langue algérienne, riche, poétique et imagée, soit parfois associée aux sketchs laisse à désirer.
Icônes
Dans la tête de Zako, Mohamed Boudiaf fredonne un air de Nancy Sinatra : Bang, bang, my baby shot me down. «Boudiaf représente pour nous l’espoir. Certes, il n’est pas resté longtemps à la tête de l’Etat algérien, c’est sans doute la raison pour laquelle on n’arrête pas de se poser cette question : ‘‘ Et s’ il n’avait pas été tué ?’’…», dit celui qui avait à peine un an lorsque le président Boudiaf a été assassiné.
Mohamed Boudiaf, Athmane Ariouet, la madone de Bentalha, Hasni, Mustapha Ben Boulaid, Tahar Djaout ont valeur d’îcones. «Athmane Ariouet a marqué plusieurs générations d’Algériens. Le pop art, c’est aussi transmettre les impressions des gens.
Ariouet est perçu comme une figure d’opposition. Il a, aux yeux des gens, une carrure d’homme révolté», explique El Moustache qui représente le comédien de Cranaval fi dechra flanqué du béret de Che Guevara. Mais dans cet univers, mêlant militantisme et fantaisie, El Commandante peut aussi porter haïk et voilette en dentelle.
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L’Université algérienne donne des diplômes, mais assure difficilement des formations»
Les mathématiques demeurent une discipline de plus en plus boudée par les élèves et les étudiants. Comment expliquer cet état du fait ?
Le refus des mathématiques est un phénomène universel. Il est dû à la professionnalisation de l’enseignement. Actuellement, beaucoup d’élèves, d’étudiants et de parents s’imaginent qu’avoir un diplôme c’est avoir un emploi.
Ce qui est un peu faux. Il est impossible d’assurer matériellement un emploi à tous les diplômés dans leur spécialité. On peut embaucher 1000 médecins la première année, mais après un certain nombre d’années il y a un phénomène d’accumulation. Il serait impossible d’embaucher ces 1000 médecins. Il faut faire quand même la différence entre un diplôme et une formation.
Cela est difficile à l’étudiant de l’accepter. Actuellement, l’Université algérienne peut donner des diplômes, mais difficilement assurer des formations. Il me semble qu’au niveau de l’enseignement des mathématiques, les enseignants sont déjà mal formés. Je me rappelle que durant les années 70’, le journal El Moudjahid (le seul journal d’expression française à l’époque), l’annonce des résultats du bac prenait 2 pages et demie, et la demi-page restante était consacrée au recrutement des enseignants du lycée.
Alors, ces enseignants ont été recrutés parmi les non-bacheliers. Et pour beaucoup, à l’époque, c’était une opportunité de travail pour les non-bacheliers.
Donc, à la base, on a recruté beaucoup d’étudiants qui n’avaient pas le profil. Ensuite, les salaires qu’on donnait aux enseignants étaient vraiment en deçà des attentes. Donc, on n’a pas encouragé ces enseignants à se former. En fait, c’est un choix politique qui a été fait. On a opté pour la massification de l’enseignement. Il est clair que c’est difficile d’allier la qualité à la quantité. Donc, une des raisons de ce résultat c’était cela.
La deuxième raison est que beaucoup de gens attendent d’un diplôme un emploi, il est évident que même en Europe, particulièrement en France, les gens s’orientent vers les métiers. Pour ce point, encore une fois c’est un choix politique. On a donné l’occasion à tout bachelier l’occasion d’aller à l’université. Cela, à mon sens, ce n’est pas tellement une bonne chose.
C’est vrai qu’on donne une place au bachelier. Mais si on doit mesurer cette place au mètre carré, ça se mesure plutôt au centimètre carré. Quand vous mettez 1000 étudiants dans un amphi de 200 places, on ne peut pas appeler cela donner une place. Il m’est arrivé d’enseigner dans un amphi de 150 places au maximum, alors que l’effectif officiel était de 280. Cela veut dire qu’on a exclu dès le départ la moitié des étudiants.
Les gens s’orientent vers la médecine et les métiers qui sont beaucoup plus porteurs. Et beaucoup de gens s’imaginent que les mathématiques ne peuvent pas avoir de débouchés. Ce qui est faux.
C’est vrai qu’il y a peu de débouchés dans l’enseignement. Lorsqu’on veut faire de véritables formations même dans les nouveaux métiers, dans l’électronique et les statistiques, on a besoin d’un bon bagage de mathématiques. Le diplôme lui-même (licence ou master en maths) ne prépare pas tout de suite, mais il donne des bases suffisantes pour accéder à un emploi.
L’étudiant qui arrive à la fac a-t-il le niveau requis pour suivre des études de mathématiques ?
Si on veut revenir un peu au secondaire, la baisse du niveau est due à plusieurs facteurs. Le premier est la surcharge des classes. Avec 40 à 50 étudiants dans une classe, il est clair que l’enseignant mène mieux son cours avec 15 étudiants.
Cette surcharge fait que les programmes ne peuvent pas être menés à leur terme. Il y a l’étudiant qui a suivi entre 70 à 80% du programme, mais qui n’a assimilé réellement que 50% dans les meilleurs des cas. Ajouté à cela — là, je pense que l’Algérie est un cas très particulier — les 4 mois de vacances. Dans la plupart de nos institutions scolaires, les cours s’arrêtent pratiquement le 1er mai. Quand vous mettez pendant 4 mois une cervelle au frigo, l’étudiant qui n’a assimilé que 50% du programme précédent n’en a retenu que 10 à 20%. Cela peut être une des causes essentielles de la baisse du niveau de l’étudiant.
La deuxième cause qui est assez importante, c’est le fait que notre pays, du moins les politiques de notre pays, au lieu d’investir dans l’homme, investissent dans la matière. On importe tout et on n’exporte rien. La seule chose qu’on exporte ce sont les cerveaux. Lorsque vous exportez un footballeur, il y a un tarif pour ça, mais lorsque vous exportez un ingénieur ou un enseignant, l’Algérie n’a rien en contrepartie. Autre cause, le fait qu’on n’encourage pas la production nationale nos diplômés auront moins de chance de trouver un emploi.
Quand l’étudiant arrive à l’université et qu’il sait que son frère qui est déjà ingénieur est au chômage, cela ne l’encourage pas à étudier. Et c’est un problème qu’on vit réellement. Les étudiants le disent : «à quoi ça sert d’étudier ? De toutes les façons, dans 5 ans je serai chômeur». Sur le plan social, beaucoup d’étudiants sont démunis. Il m’est arrivé de voir des étudiants qui ne changent pas de pantalon et chemise durant toute l’année. Cela est un indice qu’ils ne peuvent pas faire face financièrement.
Un étudiant doit avoir un minimum pour étudier. J’imagine aussi qu’avec la crise de logement, beaucoup d’entre eux n’ont pas un espace à la maison pour pouvoir réviser. Les cités universitaires sont souvent surchargées et mal entretenues. Les enseignants doivent aussi savoir que l’enseignement des mathématiques comme tous les enseignements a changé.
Si on donne un enseignement de mathématiques tel que je l’ai suivi, il ne faut pas s’attendre à ce que l’étudiant vous suive. Il faut quand même faire un effort dans les méthodes d’enseignement. Nous avons l’habitude de recevoir un certain produit du lycée.
Ce produit a beaucoup changé et évolué et nous nous n’avons pas suffisamment évolué pour prendre en charge ces changements. Maintenant, il y a des choses incompressibles : si vous voulez former un ingénieur de bonne qualité, il doit avoir un certain nombre de connaissances et sans ce minimum de savoirs, il est très difficile de réussir.
En prenant les étudiants qui ont plus de chance (ils sont dans des conditions sociales aisées et sont encadrés par des parents enseignants), beaucoup d’entre eux n’ont pas réussi. C’est un phénomène social qui dépasse la volonté des individus.
Comment l’enseignant doit-il s’y prendre pour faire réussir ses élèves ? Que préconisez-vous dans ce sens ?
C’est un peu difficile parce que c’est un débat qui se pose un peu partout. C’est ce qu’il y a de particulier chez l’enseignant. Parce qu’il a cette liberté et surtout la responsabilité de choisir la méthode qui lui convient. Et chacun essaie de rénover à sa manière. Il n’y a pas suffisamment de débats pour pouvoir résoudre ce problème.
Pour résumer, il y a la quantité, la motivation (beaucoup font des études dans le but de trouver un emploi), il y a le fait aussi qu’on ne considère pas que les mathématiques peuvent avoir des débouchés ; même si c’est à long terme, cela peut se faire.
Chez nous, ce n’est pas encore au point, ce sont tous les instituts de gestion qui ont des post-graduants qui cherchent des formations de mathématiques de base. Cette formation est nécessaire un peu partout. Mais c’est un investissement à long terme. La durée moyenne de formation est plus longue en maths que dans les autres cursus.
Après 4 ou 5 ans, l’étudiant est déjà fatigué, il pense moins à faire d’autres efforts. Mais sinon, les possibilités de débouchés sont réelles. Je connais des ingénieurs qui s’en sortent mieux dans l’importation. Vous pensez qu’un ingénieur qui est dans l’importation à la même valeur qu’un importateur qui n’a pas fait d’études ? C’est là la faute.
Eux ils s’imaginent que si on fait des études, c’est pour travailler dans le domaine. Non ! L’importateur sans niveau universitaire qui gagne des millions ne sait pas quoi faire de son argent. Mais j’imagine mal un universitaire qui ne sait pas quoi faire de son argent.
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Les mathématiques : Une discipline de plus en plus redoutée
L’épreuve des maths a fait des siennes encore cette année chez les élèves bacheliers. Ces derniers sont sortis abattus lundi dernier après avoir qualifié le sujet des mathématiques de «compliqué» et d’«inabordable». Cet avis est partagé pratiquement par tous les lycéens de différentes filières.
Le sujet est-il réellement incompréhensible, ou est-ce que le niveau des élèves qui est plus ou moins faible pour le résoudre ? «Je ne suis pas du tout surpris par les résultats que je constate sur le terrain.
Il y a toujours eu de ‘‘bons’’ et de ‘‘mauvais’’ élèves dans les classes, mais l’écart entre les uns et les autres est devenu un gouffre ces dernières années», révèle Bachir Hakam, professeur de mathématiques au lycée colonel Lotfi d’Oran.
Ce pédagogue estime que «la constatation est particulièrement alarmante pour les premières années secondaires que nous avons accueillies cette année (2014-2015) dans mon établissement».
Notre interlocuteur est interpellé surtout par rapport aux «différences de niveau incroyables qui se sont déjà installées entre des élèves de seulement 14 ans». «Certains élèves arrivent au lycée sans avoir la moindre base dans quelque domaine que ce soit», met-il en garde. Les mathématiques ne servent à rien, disent certains élèves à leurs professeurs qui les incitent à s’investir dans la matière.
le Refus des maths atteint le cycle primaire
Leur rejet est de plus en plus avéré non seulement au secondaire, mais au collège aussi et parfois même au primaire. «J’ai peur des calculs», avoue timidement Lina, une élève de première année primaire.
Cette fillette de 6 ans ayant de bonnes notes dans d’autres matières éprouve beaucoup de difficultés à faire la simple opération de l’addition ou de trier les chiffres en ordre croissant ou décroissant. Le rejet de cette écolière pour les mathématiques s’exprime par des crises de larmes qu’elle fait à chaque fois que sa mère lui demande de faire des révisions.
Bien qu’elle reconnaisse que sa maîtresse d’école est très indulgente, Lina préfère étudier une autre matière (lire, écrire ou dessiner) que de résoudre un simple exercice de calcul. «Ma maîtresse me demande seulement de refaire les calculs lorsque je commets une erreur», raconte Lina dont la gêne est trahie par l’expression du visage et les gestes des mains. Le refus est à tous les niveaux.
Les élèves refusent-ils réellement de faire des efforts de réflexion, ou bien est-ce la mauvaise prise en charge de cette matière qui fait fuir les élèves ? «Il faut savoir que 99% des connaissances en mathématiques ne seront pas utilisées dans la vie de l’élève, et elles ne sont importantes que pour ceux qui auront volontairement choisi une voie où on s’en sert», explique M. Hakam. Mais cet argument n’explique qu’en partie le comportement des élèves.
Bachir Hakam n’omet pas de rappeler à l’occasion que «les connaissances mathématiques dans leur globalité serviront dans la vie des élèves pour leur culture générale. Les maths sont très importantes pour la formation du raisonnement et de l’esprit critique». Ce qui laisse entendre que l’échec en maths peut entraîner d’autres lacunes, notamment chez ceux qui vont devoir suivre des études universitaires.
L’enseignement des maths se fait sans logique
Les mathématiques sont une discipline pas comme les autres, rappelle Sadek Bouroubi, professeur de mathématiques à l’université de Bab Ezzouar (USTHB), mettant en exergue l’aspect expérimental des autres matières, à l’instar des sciences naturelles et de la physique. Pour ces dernières matières, «pratiquement tous les sens interviennent.
En maths, le seul sens qui intervient est la raison», explique cet enseignant universitaire. Et de poursuivre : «Lorsqu’on demande à une personne d’utiliser uniquement sa raison, elle se fatigue».
A titre d’exemple : «Si l’élève ne trouve pas de réponse dans les premières minutes de l’épreuve, après réflexion il éprouve de la fatigue. De ce fait, il est incapable de résoudre le problème».
En outre, les programmes n’ont pas pris en compte l’enseignement de la logique, un chapitre qui figurait autrefois dans les programmes de seconde et qui permet aux élèves d’avoir un raisonnement mathématique.
Ainsi, les élèves éprouvent des difficultés à traiter des sujets relevant de l’abstraction. A cette faille s’ajoute le nombre de matières étudiées qui d’après M. Hakam «dépasse l’entendement». L’élève soumis à ce régime se trouve épuisé et «refuse de réfléchir, d’où le refus des mathématiques», se persuade Bachir Hakam, qui juge que ce rejet est «compréhensible».
La surcharge des classes a été également soulignée comme l’un des facteurs essentiels ayant conduit à l’échec de l’enseignement des mathématiques. M. Hakam se demande comment motiver les élèves à l’apprentissage des mathématiques dans des classes de plus de 40 ?
Les Méthodes et les enseignants critiqués
Mais qu’est-ce qui a changé la réalité des maths sachant que de par sa nature cette discipline a toujours été abstraite ? Sadek Bouroubi, professeur de mathématiques à l’université de Bab Ezzouar (USTHB) met l’accent sur le rôle de l’enseignant. «L’acte d’enseigner repose sur trois aspects : l’enseignant, l’enseigné et la méthode. La connaissance passe à travers la méthode.
Le problème qui se pose est que l’enseignant se retrouve de plus en plus face aux élèves sans aucune expérience». Et de révéler : «Il y a des professeurs qui ne savent pas ce qu’est la méthode». Il dénonce en outre l’absence du module de logique dans le cursus de ces enseignants.
De ce fait, «ils ne savent même pas quelle est la méthode qu’il faut utiliser», déplore-t-il soulignant qu’il y a plusieurs raisonnements en mathématiques. «L’élève (du primaire jusqu’à l’université) attend de son enseignant que ce dernier lui transmette la connaissance.
Mais lorsque l’enseignant prend le cours qu’il a préparé et le reproduit au tableau», cela ne peut en aucun cas inciter l’élève à suivre attentivement le cours de maths. «Les mathématiques n’ont besoin d’écriture que lorsque l’idée est déjà transmise aux élèves», explique M. Bouroubi, dénonçant les méthodes de certains enseignants qui se précipitent vers la résolution du problème avant même que l’élève ait compris la question. «La raison du refus des mathématiques par les élèves demeure l’enseignant lui-même», insiste ce professeur.
«L’enseignant a besoin d’un tuteur»
Il suggère au passage de revoir la formation de ces formateurs. Et de désigner un tuteur pour chaque enseignant en début de carrière, comme cela est le cas pour les étudiants. «Le rôle du tuteur est de montrer à cet enseignant les méthodes pédagogiques, les moyens de communication et la manière de se comporter avec les étudiants», suggère l’universitaire.
Pour les postes de tuteurs, «il faut nommer les enseignants les plus expérimentés au lieu de les envoyer en retraite», conseille l’universitaire. «Lorsque l’enseignant transmet des informations, il faudrait que ces dernières soient justes», préconise ce professeur de mathématiques, alertant sur le fait que de nombreux enseignants donnent de fausses informations. Pour sa part, Bachir Hakam fait remarquer que les enseignants de mathématiques eux-mêmes n’ont jamais été préparés, ni formés à enseigner cette matière en utilisant les nouveaux moyens didactiques et les TIC. D’où leur incapacité à faire aimer la matière à l’élève.
Seuls 20% des élèves peuvent suivre un cursus scientifique convenablement en première année secondaire, selon les données de Bachir Hakam, porte-parole du Conseil des lycées d’Algérie (CLA).
Ce syndicaliste ayant l’habitude d’analyser le rendement des élèves explique cet «échec» par la mauvaise orientation scolaire en quatrième année moyenne. Pour les 80% qui éprouvent des difficultés, ils ont recours au cours particuliers. Le porte-parole du CLA estime que ces difficultés sont à l’origine de la «démotivation, l’indiscipline et la violence» en milieu scolaire.
De plus, au collège, les élèves «ont appris à avoir des têtes beaucoup bien pleines que bien faites».
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Le bloc feuillet, une thématique figée dans les commémorations
Le premier bloc feuillet (BF) dans l’histoire de la philatélie algérienne a fait son apparition à l’occasion des «inoubliables» Jeux méditerranéens de 1975.
Une œuvre réalisée par Sid-Ahmed Bentounes portant cinq timbres représentant les disciplines sportives du judo, la natation, le football, l’athlétisme et le handball. Une émission qui sera suivie, deux ans plus tard, par le magnifique bloc feuillet des mosaïques représentant les quatre saisons.
Ce dernier, dessiné par Mohamed Temmam, et paru le 21 avril 1977, demeure parmi les plus beaux blocs feuillets émis depuis l’indépendance. Une belle entame thématique qui sera vite «bloquée» pour être figée dans les commémorations, bien que les thèmes ne manquent guère.
L’on assistera ainsi à partir de 1982 à une longue série de célébrations (12 émissions sur un total de 27), dont les inévitables anniversaires de l’indépendance, de la Révolution, du 8 Mai 1945, alors qu’on a même consacré un bloc au 5e congrès du FLN, émis le 19/3/1983. Comme quoi l’ex-parti unique tenait à marquer son emprise même sur les timbres-poste.
Considéré aussi comme une émission luxueuse, le BF agrémente d’une manière particulière toute collection de timbres-poste. Certains philatélistes en font une collection à part. Le premier BF algérien, celui de 1975, est sorti des presses de l’imprimeur français Delrieu. Tous les autres BF ont été imprimés chez le Suisse Courvoisier jusqu’en 1995, où c’est la Banque d’Algérie qui s’occupe désormais de cette mission.
C’était à l’occasion de la parution d’un BF le 8/5/1995 à l’occasion du 50e anniversaire du 8 Mai 1945. C’est à partir de 2007 que l’on assistera à une profusion de BF, qui a fini par dérouter les collectionneurs en raison des dimensions adoptées pour ces blocs par la Poste et qui rendent leur classement difficile.
Cela s’applique au BF consacré au bicentenaire de l’Emir Abdelkader, émis en décembre 2007, et qui demeure le premier feuillet imprimé en Algérie et comportant plus d’un timbre. L’année 2008 demeure de loin la plus prolifique en BF.
Cinq au total, soit la moitié de ce que l’Algérie a produit en 33 ans. Une véritable overdose pour les philatélistes qui ont vu défiler en une année des BF ayant pour thèmes : les fontaines d’Alger, l’eau et le développement, le 50e anniversaire de la création de l’équipe de football du FLN, un hommage à l’artiste-peintre Baya et les ponts de Constantine.
Toutefois, il faut louer aussi cette lancée qui a permis d’enrichir les albums des philatélistes, et qui ouvrira la porte à d’autres thématiques, comme la coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010, le Métro d’Alger, les Forces armées, pour revenir aux commémorations avec le 50e anniversaire de la Sonatrach et celui de la première mission médicale chinoise en Algérie.
La série des BF a été marquée par la première émission commune avec la Serbie, paru en 2014 avec pour thème la tapisserie. Le dernier-né des BF n’est autre qu’une illustration du fameux «Qaf» qui a fait couler beaucoup d’encre à l’occasion de l’événement culturel de Constantine 2015, et qui finira par se faire une place dans le catalogue des timbres-poste malgré toute la polémique qu’il a soulevée.
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Un moudjahid au parcours mémorable
Au 1er novembre 1954, Abderrahmane Larbi-Cherif, dit «Chaïb Larbi», bouclait ses 46 ans. Malgré cet âge, sa ferveur pour l’insurrection armée ne s’est aucunement émoussée.
Avec son ardeur de militant du PPA/MTLD dès le début de l’année 1930 en France aux côtés des Amar Imache, Docteur Lamine, Demagh Latrous et d’autres encore, avec Hadj Messali à la tête du parti, il ne peut penser autrement.
En 1942, Si Abderrahmane, très connu comme camionneur à Tizi Ouzou, ouvrira, chargé par Krim Belkacem, un bureau du PPA à Maâtka, sa localité natale. «Le parti ne cessait de s’enraciner partout dans le pays», raconte-t-il dans un long témoignage à Berbère TV datant de juillet 2007.
Dans cet émouvant récit, dont le document nous a été confié par Ramdane Sana, le président de l’association de wilaya des «Grands invalides de guerre», Chaïb Larbi narre son parcours avec notamment les préparatifs pour le soulèvement prévu le 8 mai 1945 à Tizi Ouzou. «A la veille du jour J, en ma qualité de chef du PPA à Maâtka et Ali Halit à Tizi Ouzou, il nous restait juste 6 heures pour lancer notre action. Mais aussitôt, un avis nous parvenait d’Alger, disant que tout le secret gardé à propos de cette action est connu de l’administration coloniale. L’ordre nous fut donc donné à ne pas bouger. Ainsi, nous parvînmes à stopper tout. Au petit matin, c’est le déclenchement à Constantine, Sétif…, puis le massacre que l’on connaît de 45 000 Algériens».
Comme il y avait des mouchards qui voulaient sa tête à cause de ses incessantes activités politiques, un jour, en 1952, ce fut le caïd de la région qui avait attiré son attention, en lui conseillant de quitter vite Maâtka, sinon c’était l’arrestation. Ainsi, il retourna en France où il poursuivit ses activités.
En 1954, Si Abderrahmane apprend, par le biais de la presse, le déclenchement de la guerre en Algérie. Aux premiers attentats, le 1er novembre 1954, à Blida, explique-t-il, «nous apprenions en France, à travers la presse, que des hommes d’Ouamrane et de Krim, qualifiés de ‘‘rebelles’’, en étaient les auteurs».
Il se rend alors tout de suite au bureau du PPA, situé à la Gare de Lyon. Il y informa ses camarades, qui encadraient une zone dans cette région et lui une autre, que les frères en Algérie ont déclenché l’insurrection. Il leur demanda s’il fallait partir immédiatement pour les aider. Ils lui répondirent que c’est en France qu’il y a besoin de militants, et non au bled ! «J’eus alors la conviction que mes camarades messalistes se sont rétractés ; je leur rétorquai que le besoin en hommes est impératif en Algérie et non sur le sol du colonisateur».
Sept jours plus tard, il s’envole vers la terre natale. A Maâtka, Si Abderrahmane trouvera ses frères Arezki et Larbi montés déjà au maquis, avec Moh Meziane du village Aït Zaïm. Ce groupe le charge, sur ordre de Krim, de s’occuper de l’information et de la sécurité pour les moudjahidine, en surveillant la région.
Traîtrise et délation
«Un jour, des traîtres m’ont dénoncé lorsqu’ils constatèrent que je me rendais à Ighil Imoula où je rencontrais Ali Zamoum et son frère Si Salah, Hadj Ahmed Ouramdane, Idrès…». Ainsi, l’administration coloniale, ajoute-t-il, installa un camp militaire à Lakhmis, puis un autre à Letnine, entre lesquels le téléphone ne s’interrompait guère. Informés de la situation, «nos responsables nous envoyèrent un chef du village Bouhamdoun pour nous accompagner dans l’opération de destruction des poteaux téléphoniques, mais ce fut l’échec à cause de délateurs». Si Abderrahmane est recherché par les militaires.
Sa jeune sœur l’avise pour quitter immédiatement les parages. «J’ai passé près de 48 heures en montagne sans manger. La nuit même, je regagne la maison et prends mon burnous pour rejoindre mes frères au maquis où je recevais ainsi les ordres de nos chefs (Krim, Mohamedi Saïd, Ouamrane…) de ce que nous devrions accomplir». Il raconte comment il avait pu, plus tard avec ses compagnons, arrêter, sur ordre de Krim, le maître d’école, M. Dupuy, qui payait des délateurs pour venir dans des cafés lui rapporter tout ce qui s’y disait sur la lutte. «Nous le prîmes dans un guet-apens et l’envoyâmes jusqu’aux mains de Krim, qui nous avait ordonné de le lui ramener sain et sauf.
Nous avions arrêté avec lui deux autres enseignants, dont un Espagnol, que nous avions relâché, car les deux ne mouchardaient pas. Pendant trois jours, nous marchions, vêtus de burnous, y compris Dupuy. Un citoyen nous sauva la vie, après avoir été arrêté par les soldats d’un convoi militaire à la recherche de l’enseignant. Ils l’interrogèrent et il leur «avoua» que les rebelles, partis vers la montagne, étaient une soixantaine, habillés de tenues militaires et portaient des casques.
Un avion arriva, mais sans pouvoir repérer les 60 rebelles. Partis deux par deux et séparés d’une longue distance, nous avions passé 3 nuits à Izerruden (Sidi Ali Bounab) dans une maison dont les propriétaires n’ont pas fermé l’œil pour nous assurer la surveillance jusqu’à l’arrivée de deux militants pour prendre Dupuy vers Beni Douala où l’attendaient Krim et Mohamedi Saïd». En août 1956, ajoute Chaïb Larbi, «nous avions reçu ordre d’attaquer les camps militaires, avant et pendant la durée du Congrès de la Soummam».
Selon lui, les traîtres qui les dénonçaient, signalaient que la réunion des «chefs rebelles» (Congrès) allait avoir lieu à Tala Guilef, alors que Chaïb Larbi et son groupe de sécurité se trouvaient au village Helouane (Bounouh). Le lendemain, c’est le départ des groupes de maquisards et de responsables pour la Petite Kabylie, alors que lui et ses compagnons restèrent sur place où ils seront encerclés par l’armée. La bataille durera du matin jusqu’à la tombée de la nuit. «Nous perdîmes ce jour-là Saïd Ou-Amrane du village Ath Imghur, Ahmed Arab, tué alors qu’il escaladait une falaise pour s’abriter et pouvoir mieux riposter, ainsi qu’un djoundi blessé, originaire d’At Bouyahia.» Lors de leur repli, ils passèrent plus de trois jours sans manger, ni boire en plein août. «Un de nos compagnons qui trimballait un fusil de chasse à broche (Lefaucheux) et un chargeur de FM-24 s’évanouit ; un coup de feu part accidentellement et touche ledit chargeur qui le blesse grièvement. Il succombera le lendemain», rappelle encore Chaïb Larbi ajoutant : «Le 1er novembre 1956, nous avons reçu ordre d’attaquer les camps militaires de la région pour montrer notre détermination à agir pour la libération de nos chefs, arrêtés le 22 octobre de la même année».
En 1957, Si Abderrahmane est envoyé par Amirouche avec des camarades à Tunis pour ramener des armes. «On était 3 sergents à partir de Maâtka. Chacun de nous prit avec lui 10 djounoud. A Beni Douala, nous trouvions 33 autres, avec Ammi Ahmed, puis nous partîmes vers Azazga. Nous y restâmes 6 ou 7 jours. Avant de partir d’ici, Amirouche nous avait demandé quels étaient les volontaires pour Tunis. Tout le monde avait dit oui. Nous étions trois groupes (Maâtka, Beni Zmenzer et Beni Douala).
On devait être rejoints par un autre groupe venu de Boumerdès où figurait le nommé Sadri Ali, qui vit aujourd’hui (2007, ndlr) à Boghni. Il avait perdu un pied à la Ligne Maurice. Nous sommes arrivés à Tunis le 12 janvier 1958 et nous sommes revenus, de nuit, le 26 du même mois. Nous étions 400 moudjahidine, dont 300 de la Wilaya III.
A cause de la désorganisation avec les guides et les surveillants, la chaîne se rompit. Nous étions 75 à revenir sur notre chemin. A Tunis, sur ordre de nos responsables, je suis parti en Libye (Tripoli) avec un camion en compagnie de 2 camarades (Tahia et Ahmed Bechihi, un mécanicien originaire d’Annaba), afin d’acheminer des armes depuis l’Egypte. J’avais fait 4 à 5 fois l’aller-retour Tripoli-Le Caire (2250 km). Un jour, après une panne en cours de route, je me suis chamaillé avec Ahmed Bechihi, irrité. Il insultait Dieu devant moi.
Ce que je ne supportais pas. Je descends du camion et le gronde. Il me dit : ‘‘Mais ce n’est pas toi que j’insultais !’’ Je lui répliquai : ‘‘Moi, tu peux m’insulter, je suis un humain comme toi, mais n’insulte plus jamais Dieu devant moi…’’ En arrivant à Tripoli, voilà qu’Ouamrane arrive en véritable chef. Il supervise nos voyages et ordonne que je sois envoyé au CRA de Benghazi. Ainsi, je collectais de l’argent avant les décisions d’affectation, notamment pour envoyer des jeunes algériens étudier à l’étranger».
Chaïb Larbi narre également comment Ahmed Bouda avait demandé à Ferhat Abbes, alors chef du GPRA et qui se trouvait au Caire à ce qu’il soit envoyé à Tripoli. «Auparavant, Bouda était en Irak. En arrivant en Libye, il achète une voiture et me charge de la conduire au Caire pour la remettre à Ahmed Boukadoum, qui vit actuellement à Alger (2007, ndlr). Je reviens ensuite à mon poste par convoi.
En observant une pause en cours de route, je voyais ces compagnons qui prenaient leurs distances avec moi à chaque fois que je m’en approchais. Ils chuchotaient entre eux et je me demandais pourquoi. A Benghazi, la même chose. A notre retour au bureau du CRA, distant de Tripoli de 25 km environ, on me fuyait toujours.
Dans cette ville, Cheikh Mohand-Salah Seddik animait La voix de l’Algérie (radio). Je me suis rendu à son bureau et lui demandais pourquoi ce comportement inhabituel ? Il me dit : ‘‘Tu ne le savais pas ? Amirouche est tombé aujourd’hui à Bou-Saada…’’ Je m’effondre en larmes, narre-t-il, abattu de chagrin en me remémorant le jour où j’avais accompagné ce chef vénéré, de Maâtka jusqu’à Ighil Imoula…».
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Graves entorses aux règles du commerce en Algérie : L’étiquetage en mal d’éthique
L’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que les modalités relatives à l’information du consommateur en Algérie laissent à désirer.
En dépit des textes revus et corrigés pour satisfaire aux exigences de l’organisation mondiale du commerce (OMC), des carences subsistent. De nombreux composants, des additifs le plus souvent, à l’origine d’allergies ou d’intolérances ne sont pas du tout mentionnés. Zappés tout bonnement par le fabricant et par le contrôle de la qualité.
Ces additifs renferment du gluten et sont utilisés dans la majorité des aliments, jusqu’au yaourt et le… chocolat. Contraints à un régime à vie, les cœliaques doivent-ils se résoudre à évincer toute nourriture en dehors du maïs et du riz ? Le gluten est partout. Pratiquement tous les produits alimentaires en contiennent, même certains médicaments ! Il provoque une réaction immunitaire se traduisant par une inflammation chronique de l’intestin grêle.
Mais en dehors du langage des chiffres, il y a un quotidien à gérer pas toujours commode pour des malades qu’un régime éprouvant et exsangue de gluten «exclut» de la vie sociétale, d’autant qu’il n’existe aucun traitement médicamenteux pour cette affection.
Fêtes de mariage, repas entre collègues et amis ou simple pizza party, les coeliaques mangent davantage avec les yeux qu’avec le… ventre. «Après plusieurs années de troubles digestifs, de consultations et d’analyses, on m’a finalement diagnostiqué, en 1998, une intolérance au gluten.
Depuis cette période, ma vie a complètement changé. Je dois faire attention à tout ce que je mange, je prépare moi-même du pain avec une farine spéciale. Je ne mange presque rien en dehors de chez moi, à part des fruits», confie Besma, 48 ans, atteinte de maladie coeliaque depuis 17 ans.
Et d’ajouter : «Le plus dur, c’est la vie en communauté, car cette maladie empêche la personne qui en est atteinte d’avoir une vie sociale normale. On s’isole malgré nous, sans compter qu’on doit sans cesse se justifier et expliquer aux autres qu’il nous est strictement interdit de consommer des aliments contenant de la farine de blé, de seigle ou d’orge.
On ne peut même pas se rabattre sur d’autres produits de consommation, surtout algériens, puisqu’ils contiennent généralement du gluten, sans qu’il soit mentionné sur l’emballage.»
La face cachée du gluten
Les malades cœliaques doivent non seulement apprendre à débusquer le gluten pour s’en prémunir, mais encore faut-il qu’il soit signalé sur les étiquettes des produits alimentaires proposés sur le marché ! Et si le gluten fait tout naturellement partie des produits confectionnés à base de céréales, il est également utilisé comme additif alimentaire dans la préparation de nombreuses denrées. Il se cache derrière des désignations différentes ou des codes incompréhensibles.
Il s’agit des colorants, conservateurs, acidifiants, émulsifiants, gélifiants… et la liste des additifs alimentaires est très longue. Ils sont répartis en 24 catégories en fonction de leurs effets sur les aliments et peuvent parfois être toxiques à doses élevées. Sur les étiquettes des produits importés, on peut les distinguer par un E suivi d’un chiffre.
En Algérie, par contre, le secteur de l’industrie agro-alimentaire tarde à se mettre au diapason des pays étrangers, notamment européens. Parmi les conditions à remplir pour son accession à l’OMC, l’Etat algérien devait impérativement apporter des modifications à son dispositif réglementaire en matière d’étiquetage en s’appuyant sur la directive du Codex Alimentarius (organisme mondial dont les travaux visent à garantir des denrées alimentaires sûres et saines).
Afin de se conformer aux normes internationales et aux exigences de l’économie de marché, un décret exécutif, modifiant celui de 1990, relatif à l’étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires a été promulgué au mois de décembre 2005. Pour combler les vides juridiques subsistants, un autre décret, le n° 12-214 du 15 mai 2012, a été promulgué pour fixer les modalités d’utilisation des additifs alimentaires dans les denrées destinées à la consommation humaine. Ce décret est «entré en vigueur en novembre 2014», nous dit-on à la direction du commerce de Constantine.
Infractions funestes
D’après l’article 27 du chapitre III de ce décret, il est stipulé que «les denrées et les ingrédients alimentaires connus pour provoquer des allergies ou des intolérances doivent être clairement mis en évidence dans l’étiquetage». Il est également mentionné que «la liste des ingrédients fixée est actualisée par arrêté conjoint des ministres chargés de la protection du consommateur et de la répression des fraudes, de la santé et de l’agriculture».
Cet arsenal juridique et ce triumvirat ministériel sont censés veiller sur la santé des consommateurs. Sur le… papier seulement, car sur le terrain la réalité est tout autre !
Les consommateurs ne sont pas suffisamment informés, alors que la majorité des produits algériens peuvent pourtant avoir des conséquences funestes sur les malades cœliaques qui ne doivent pas du tout ingérer un aliment qui contiendrait ne ce serait-ce que «des traces» de protéines de blé, comme cela est indiqué, le cas échéant, sur les emballages des produits fabriqués dans les pays de l’Union européenne.
Selon le Pr Hamada, chef de service de gastroentérologie du CHU Benbadis, «le risque pour les malades coeliaques qui ne suivent pas un régime dénué de gluten est de développer un lymphome (cancer du système lymphatique, ndlr)», tout en reconnaissant que le manque d’information sur les étiquettes ne joue certainement pas en faveur de ces patients.
Entre janvier et mai 2015, les brigades de la direction du commerce de Constantine ont établi et adressé 337 PV à la justice, dont 113 portent sur des produits alimentaires pour «défaut d’étiquetage». L’absence de mention relative à la présence de substances pouvant occasionner des allergies ou des intolérances ne figure pas parmi les griefs retenus contre les producteurs en infraction. Quant aux sanctions, elles se limitent, nous dit-on, à de simples amendes.
Importer du «savoir-faire»
Le décret n°13-378 du 9 novembre 2013 est donc loin de répondre aux attentes des consommateurs en général et les personnes sujettes à une intolérance alimentaire en particulier. Ces derniers doivent-ils se résoudre à consommer uniquement des aliments spécifiques estampillées «sans gluten» ? Le marché leur offre-t-il des choix multiples ?
En dehors de quelques produits importés et la contribution encore timide de 4 producteurs nationaux, dont un à Constantine et deux à Sétif, les produits sans gluten sont, pour le moment, en Algérie, le privilège d’une catégorie seulement de malades, et ce, à cause de leur coût.
«Sur le marché, il n’y a pas un grand choix de produits sans gluten et ils sont chers.
Une boîte de 500 g de farine sans gluten importée peut coûter entre 300 et 350 DA, contre 100 à 140 DA pour les farines fabriquées en Algérie. La différence entre les farines étrangères et celles locales ce n’est pas seulement le prix, mais aussi la qualité.
Je les ai toutes essayées. C’est un véritable budget que je consacre chaque mois à mon alimentation», confie Besma, en regrettant que les producteurs algériens existants ne tentent pas d’améliorer et développer leurs produits.
Interrogé, à ce sujet, le fabricant de la farine sans gluten Reginat, dont l’entreprise est domiciliée à Constantine, impute la qualité de la farine à celle du maïs, mais aussi à son pays d’origine. «La matière première de la farine que nous commercialisons, le maïs, est importée de pays différents. Des Etats-Unis, du Canada, d’Amérique latine ou d’Australie.
Nous ne faisons que mélanger les différents ingrédients avant de les conditionner. A l’étranger, ils ont le matériel adéquat, mais il très coûteux pour procéder au calibrage du maïs, d’où la qualité supérieure des farines sans gluten fabriquées en Europe. Cela dit, ils ont aussi le savoir-faire», a précisé notre interlocuteur.
Avant de lancer la campagne «Consommons algérien», ne faudrait-il pas avant tout garantir une information parfaitement détaillée aux consommateurs de toutes les denrées alimentaires fabriquées sur le territoire national ?
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