Des campagnes ont été lancées pour dissuader les jeunes ayant postulé pour les dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle (Ansej, CNAC…).
Après avoir eu gain de cause, ce genre de campagne s’étend à d’autres projets tels que les crédits pour l’acquisition d’un logement. Après l’annulation des intérêts sur les crédits d’insertion des chômeurs, c’est au tour des souscripteurs au logement de réclamer la suppression des taux d’intérêts sur les crédits bancaires. Le motif principal de ces revendications demeure religieux. Une réponse a été donnée également aux souscripteurs de l’AADL ayant refusé de payer les intérêts. Mais cette fois-ci par le ministère des affaires religieuses. Ainsi, le Conseil scientifique national (CSN) a édicté, au mois de février dernier, une fatwa autorisant l’acquisition de logement via la formule «location-vente». D’après le CSN, cette formule ne va pas à l’encontre des préceptes de l’Islam. Toutefois, cette institution religieuse a préconisé de substituer à l’appellation «location-vente» l’expression «vente par facilité de payement».
Un simple changement d’appellation peut-il rendre «halal» une formule de vente proposée par les autorités ou un produit bancaires boudé par ceux qui l’estiment «haram» ? C’est ce que laisse croire cette institution.
En plus, les souscripteurs de l’AADL sont actuellement préoccupés beaucoup plus par les nouvelles mesures du ministère de l’habitat, telles que le certificat négatif et les délais de payement des tranches qui tardent à voir le jour. Reste maintenant la revendication des souscripteurs LPP (Logement promotionnel public) qui se sont organisés en collectif. Si la revendication majeure de ces derniers demeure la transparence dans la gestion de cette formule, l’annulation du taux d’intérêts sur le crédit bancaire a été également soulevée par des souscripteurs. Faut-il rappeler que le taux d’intérêt et de 3%.
Les souscripteurs du LPP en campagne conte les intérêts
Sur une page créée sur la Toile par ce collectif, circule un slogan adopté par la majorité des souscripteurs : «Non aux crédits avec intérêts, oui pour le bon rapport qualité/prix». Dans un communiqué rendu public, le collectif des souscripteurs LPP souligne que ce taux d’intérêt «affectera directement le pouvoir d’achat de cette classe». Mais la discussion des souscripteurs LPP sur le Net confirme que le refus est d’ordre religieux. «Non aux intérêts, c’est Haram», poste un souscripteur sur le forum. Un autre candidat manifeste sa volonté de se désister dans le cas où ce taux d’intérêt est maintenu. «Que pensez-vous d’un crédit d’une banque islamique ?» propose un autre. Un cadre dans une banque publique exerçant dans le service crédit, qui a requis l’anonymat, affirme que lorsqu’il s’agit d’acquisition d’un logement, les clients ne se soucient pas des intérêts. «Nous avons accordé des crédits aux hommes et aux femmes à l’allure islamiste (kamis, djilbab…). Ces comportements cachent-ils une certaine ‘‘hypocrisie sociale’’, ou témoignent-ils du fait que les Algériens n’ont pas une seule référence religieuse ?» Afin de mettre au clair toutes ces questions, nous avons tenté vainement de contacter le ministère des affaires religieuses. Par ailleurs, un cadre d’une institution étatique, sociologue de formation, qui lui aussi a requis l’anonymat, estime que les enjeux de tout cela sont d’ordre idéologique.
«C’est à nous de développer nos outils»
«C’est un travail de psycho-sociologie. Pour y remédier, il faut tout un processus de socialisation», soutient-il. Au sujet des fatwas qui proviennent des autres pays musulmans, notamment ceux ayant adopté le courant wahhabite, le sociologue enchaîne : «C’est à nous de développer nos outils», déplorant l’inexistence d’un mufti de la République qui soit une référence pour tous les Algériens. Pour sa part, un responsable d’une institution religieuse qui tient à son tour de garder l’anonymat, estime que ce genre de question vise essentiellement à répandre le doute et la panique dans la société. Ces campagnes religieuses visent également, d’après ses dires, «à porter atteinte à la crédibilité des institutions». «Adopter une conception de la vie élaborée par des muftis de l’Arabie Saoudite pour l’appliquer en Algérie est une grande erreur», estime ce spécialiste du fiqh (compréhension du texte sacré), pour la simple raison que les références religieuses de l’Algérie et de l’Arabie Saoudite sont différentes : le premier pays a adopté le malikisme, et le deuxième le hanbalisme.
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Les crédits bancaires boudés : Hypocrisie sociale ou sursaut religieux ?
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L’avenue Larbi Tebessi d’Oran, dite «Loubet» en est l’exemple : Ces quartiers qui s’embourgeoisent
S’il existe à Oran une artère très prisée par les jeunes oranais, il s’agit bien entendu de l’avenue Larbi Tebessi, celle que tout le monde appelle encore «Loubet». Située au cœur du centre-ville, en sandwich entre la place des Victoires et la rue du Marché Michelet, cette avenue a de tout temps été le coin préféré des étudiants oranais.
Avec ses trottoirs spacieux et ses platanes joliment taillés, ce qui a nourri la réputation de Loubet, ce sont bien sûr ses nombreux cafés, dotés d’une clientèle mixte et jeune. Or, plus les années passent, plus ces établissements emblématiques ferment les uns après les autres, au gré de l’ouverture de magasins de vêtements. «Aujourd’hui, on a affaire à une avenue austère et sans âme, qui pue le luxe à plein nez. Quand j’y passe, c’est à peine si je ne fais pas profil bas», se désole un Oranais, nostalgique de cette époque où les trottoirs de cette avenue, grouillant d’étudiants, étaient sans arrêt animés, et où périodiquement des spectacles de rue étaient improvisés. Le charme de l’avenue Loubet s’est effrité au fil des années, sans que ceux qui la fréquentent assidument n’aient vu que du feu.
D’abord, en 2008, à l’occasion de la venue du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika à Oran, l’APC a cru bon de déboulonner les bancs publics installés ça et là dans cette avenue, pour des raisons évidentes de sécurité (Bouteflika devait emprunter cette artère pour un bain de foule). Depuis, personne au niveau de la commune n’a songé à les remettre en place. A cette même époque, l’avenue grouillait de cafés fréquentés essentiellement par une clientèle estudiantine et mixte. Etudiantes et étudiants venaient passer des après-midi entières à discutailler autour d’un bon café-crème, et se complaisaient, au passage, à refaire le monde.
«Jadis, il y avait des cafés emblématiques, le Loft, le Jazz, le Cocktail, etc. Aujourd’hui, seuls un ou deux sont toujours de service, tout le restant a baissé rideau», nous explique une ancienne étudiante, furieuse de voir son avenue préférée se transformer en une «avenue de bourges et de bobos». «Aujourd’hui, les pouvoirs publics ont voulu faire de cette avenue un Sidi Yahia oranais. Une crèmerie italienne a ouvert ses portes, et la maison Nespresso s’est installée.
Sans compter les nombreux magasins de vêtements de marque qui ont à présent pignon sur cette avenue. Mais pour ce qui est du charme d’antan, on en est sevré !» regrette un autre oranais. Ce qui faisait la réputation de Loubet étaient aussi ses trois bars, la Roue, chez Marcel et le Teuf-Teuf, qui étaient constamment bondés. Dans le temps, il y avait aussi le Majestic, un bistrot emblématique d’Oran durant les 60’ et 70’, qui s’est transformé d’abord en un café, avant de se convertir en banque, qui n’a pas tardé à fermer dans les années 80’.
La légende raconte que le célèbre écrivain américain John Steinbeck, durant la seconde guerre mondiale, était un habitué du Majectic pendant son séjour oranais…du moins si on se réfère à Ce que le jour doit à la nuit, le célèbre roman de Yasmina Khadra. Pour revenir au «Teuf-teuf», l’établissement a fermé ses portes en 2013 pour laisser place, là encore, à un magasin de vêtements (le propriétaire du lieu ayant décidé de sa fermeture après avoir effectué un pèlerinage à la Mecque).
Quant à la Roue, cet établissement était connu du tout Oran pour être l’un des rares bars qui restaient ouverts jusqu’à au moins 3h du matin. Or, depuis le mois de janvier dernier, ce bar-restaurant ferme ses portes à minuit tapante, ne se risquant pas à dépasser cet horaire. «Cela est compréhensible, nous dit un habitué de la Roue. Comme ce bar fermait jusqu’à 3h du matin, dès minuit toute la clientèle qui y venait était déjà bien éméchée. Imaginez le boucan et le tapage nocturne qu’on infligeait toutes les nuits aux voisins des immeubles alentours.
Encore heureux qu’on n’ait pas fermé ce bar pour de bon !» Pour la parenthèse, en 2009, lors d’une visite de la famille Larbi Tebessi à Oran, constatant que l’avenue portant le nom de leur héroïque parent était dotée de 3 bars, ils se sont empressés d’écrire une lettre au wali d’Oran de cette époque, l’invitant à procéder à leur fermeture.
Fort heureusement, il n’en a rien été ! Enfin, le seul établissement plus ou moins populaire, et qui perpétue encore le charme de l’avenue Loubet reste le café appelé «Les Falaises», avec sa grande terrasse, pleine à craquer du matin au soir. Sauf que là encore, il eut été judicieux de conserver cet endroit populaire…tout en y ajoutant une touche de mixité !
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La baraka des papys qui font de la résistance
Samedi, en début de soirée, au cinéma El Feth, à Saïda, régnait un je-ne-sais-quoi de fébrile et de festif dans l’air. Et pour cause ! Toute la crème de la crème des chioukh du ch’ir el melhoun — poésie chantée — de l’Ouest de l’Algérie ont été conviés une semaine durant pour célébrer cet art pas du tout mineur.
Et ce, sous les auspices et l’impulsion du wali, Saïd Méziane, en collaboration avec la direction de la culture, le comité de l’action culturelle et le mouvement associatif local. Et en présence de Abdelkader Bendamèche, président du Conseil national des arts et des lettres.
Au menu du vaste et riche programme figurent les «papys qui font de la résistance» en matière de ch’ir el melhoun face au technoïde raï et autre musique assistée ambiante. Les Boutaïba dit «Saïdi», pionnier du raï, Tahar, Fati, Smaïl, Chadli, Mohamed Saïd, Krimo de Saïda, Okacha de Mascara, Miloud de Tissemsilt, Hatab et Kada de Tlemcen, El Ouahddani de Chlef, Dehane de Naâma, ou encore Lechlech, Hamid Baroudi d’Oran, ou encore Abdelkader El Khaldi de Mostaganem étaient tous là pour un retour aux sources. Au grand bonheur des amateurs de cette musique traditionnelle. Aussi, le public s’est délecté.
On lui a offert un présent (et un passé) d’une grande mélomanie. Des concerts unplugged, traditionnels et immanquablement acoustiques. Où les instruments sont débranchés. Sans courant alternatif d’ACDC. Guellal (percussions), gasbas (flûtes) rehaussés par le «MC» (maître de cérémonie), le cheikh. Cheikh Tahar de Sidi Bel Abbès, Cheikh Smaïl de Saïda ont célébré la patrie, la mère, la matrice, le cheval, la «plus noble conquête de l’homme», Abdelkader El Khaldi (Jr) de Mostaganem déclamera une ode à l’endroit de son père spirituel, le prince des poètes, l’amoureux transi de Bakhta, Abdelkader El Khaldi (senior) de par le texte Jar Alya El Hem et Cheikh Hamada à travers des reprises comme Dablouni Larssam.
Hommage posthume à la diva Cheikha Djenia
Tout au long de la semaine, un hommage posthume a été rendu à la diva du raï «rural», Cheikha Djenia — que le wali de Saïda adore. Cette grande dame, cette diablesse du raï, qui revendiquait haut et fort son titre de «cheikha Djenia el hakania el kebira bent Saïda (La vraie, la grande, l’authentique fille de Saïda)».
Et ce, pour se distinguer de Cheikha Djenia Sghira ayant usurpé le nom de scène. Ainsi, Cheikh Metahri de Saïda a interprété Allah Yerham Echouhada, El hamdou lilah ya Rabi Gaâda amara, Echahdou 3liya ya Ndjoum Ellil, Cheikh Djelloul (Saïda), la chanson patriotique Oued Chouli — déjà immortalisée par Cheikha Rimitti —, Tebka Bladi Syida ou Talaâ kel el alam et Men Saïda lé Tlemcen, Cheikh Larbi d’Aïn Defla, Aini Elyoum Chefet Hmama, Ha El Hamam et Abouya Kirani et Cheikh Hatab de Telagh (Sidi Bel Abès), Rabi Ala El Mleh Idabar, Saida Baâida ou El Machina Ghalia ou encore El Oued Ya El Oued. Cheikha Djenia est décédée une certaine journée du 1er avril 2004, un jeudi, à l’issue d’un tragique accident de la circulation sur la route de Sidi Bel Abbès menant vers Tlemcen, et ce, prématurément, à l’âge de 50 ans. Soit neuf mois après la disparition de son mari «el berrah» (aminateur et dédicassseur), le fameux Zouaoui, lui aussi mort tragiquement.
Il a été abattu par méprise à d’un barrage de nuit par les forces de sécurité. De son vrai nom Fatma Mebarki, Djenia est née en 1954, à Marhoun, dans les environs de Saïda. Obnubilée par Cheikha Rimitti, Farid El Attrache, Abdelhalim Hafez et Oum Kalsoum, elle quittera le giron familial et conjugal à 17 ans, à la suite d’un mariage forcé. Remarquée par cheikh Aïssa, elle se produira à ses côtés pour faire et parfaire ses premières armes. Elle signera son premier album en 1970 sous l’impulsion de Hadj Mazou, lequel la baptisera «La diablesse» (Djenia) pour son timbre de voix rock (rauque). Cependant, Djenia se distinguera avec le raï synthétique en duo avec Cheb Abdelhak avec Rah Egaber (Il drague).
Djenia s’est illustrée avec des hits comme Kayen Rabi, Trig Bidou, Dertou fina Djournan, Trab el Ghadar, Ha Nounou, et Kin Dir Ouan Dirleh repris par Cheb Abdou et bien d’autres, sans percevoir les droits d’auteur bien sûr. Djenia était la digne héritière de cheikha Rimitti. «Le ch’ir el malhoun n’est pas un art minueur. Dans le monde entier l’on retourne aux sources. Comme la musique celtique, le blues… Cet événement est contre l’oubli…Il faut consolider le statut des chioukh dans la société contemporaine…», a souligné le wali de Saïda.
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Grandes foules et petites foulées
Courir un semi-marathon, 21 kilomètres et des poussières quand on ne l’a jamais fait, voilà un beau défi à relever au moins une fois dans sa vie. Cette épreuve d’endurance est un challenge personnel que se lancent, chaque année, des milliers de personnes de tout âge, des deux sexes et de toute condition physique et sociale. C’est ce que votre humble serviteur a tenté de faire : rentrer dans la tête et les baskets d’un coureur de fond et vivre cette épreuve d’endurance, l’essentiel étant de franchir la ligne d’arrivée.
Dans un pays où l’on court plus volontiers derrière l’argent, les privilèges matériels et le statut social, courir pour le plaisir, pour se dépasser ou pour repousser ses limites, ou simplement pour rester en bonne santé, peut vous faire passer pour un doux excentrique ou un joyeux illuminé qui n’a rien trouvé de plus gratifiant à faire.
Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à s’y mettre. Comme Mohamed B. qui vient de Blida.
Ce manœuvre de 39 ans, accro aux courses de fond, n’en rate aucune depuis quelques années. Rencontré la veille de la course aux abords du stade de l’OPOW, il nous dévoile, non sans fierté, son agenda des prochaines courses pour les six mois à venir, soigneusement consignées sur un cahier d’écolier.
Très tôt ce matin de vendredi 1 mai, le peuple des coureurs a pris possession de la ville de Béjaïa.
Il campe aux abords du grand stade comme une armée en rase campagne. Une joyeuse armée d’inoffensifs soldats en shorts et baskets qui courent dans tous les sens ou étirent leurs muscles pour se chauffer en attendant l’heure de se mettre en ordre de bataille. Ils sont un peu plus de 6000 coureurs venus des quatre coins de l’Algérie et de quatorze autres pays. Le plus jeune vient à peine de boucler ses dix-huit printemps.
Le plus âgé a tourné la page jaunie de ses 80 ans. Au premier rang de ces fous de la foulée, on retrouve des coureurs professionnels venus du Maroc, d’Ethiopie ou du Kenya. Ce sont les grosses cylindrées de la course. Sur leurs dossards, il n’y a pas un numéro anonyme mais leurs noms inscrits en toutes lettres. Eux courent pour le podium. A la différence de la grande masse des coureurs qui ne sont pas là pour la performance, mais juste pour la maintenance.
L’ancienne capitale hammadite s’est faite belle pour accueillir ses invités. Troupes folkloriques, animation culturelle et affichage écologique sur des panneaux de bois amovibles. Il n’est pas question de polluer les murs comme lors d’une vulgaire campagne électorale. A force de sérieux et d’abnégation, les organisateurs ont réussi à asseoir la réputation du semi-marathon international de la ville de Béjaïa pour en faire une grande fête, un événement sportif, festif et convivial, haut en couleur.
D’ailleurs, l’objectif affiché est d’en faire un rendez-vous socioculturel et sportif qui tend à promouvoir la culture et le tourisme dans la région et qui œuvre également à sensibiliser à la protection de l’environnement à travers la programmation d’une matinée sans véhicules le jour de la course. L’autre objectif majeur est de susciter l’engouement pour la course à pied en particulier et la pratique sportive en général au sein de la population. L’engouement pour le jogging et les courses de fond en général est perceptible à travers ce semi-marathon qui attire de plus en plus de monde.
A titre de comparaison, au lancement, en 1970, du plus célèbre marathon du monde, celui de New York en l’occurrence, ils étaient seulement 127 concurrents à prendre le départ et 55 à franchir la ligne d’arrivée devant une centaine de spectateurs. La dernière édition a dépassé les 46 000 participants et face à la forte demande les organisateurs ont mis en place un système de loterie.
Il est bien dommage que les pouvoirs publics, qui n’ont pas pris conscience de cette nouvelle dynamique, ne surfent pas sur cette vague pour promouvoir la pratique du sport au sein d’une société de plus en plus minée par les maladies liées à la sédentarité et au stress.
Le profil du marathonien est un bon indicateur de ce souci de se prendre en charge qui grandit au sein de la société : c’est un homme ou une femme dont l’âge tourne autour de la quarantaine qui a une bonne hygiène de vie, pratique une activité sportive et fait attention à ce qu’il consomme.
Il se dit : tant qu’à faire, il vaut mieux s’intéresser de près à ses chronos qu’aux chiffres de sa tension artérielle, de sa glycémie ou à ceux de son cholestérol. Sage démarche dans un pays où les hôpitaux et les salles d’attente des médecins débordent.
Ce qui est extraordinaire avec le semi-marathon, c’est qu’il s’agit d’une course populaire qui rassemble amateurs et professionnels, hommes et femmes, jeunes et vieux. Une compétition qui mélange les bolides de la Formule I qui avalent du macadam à grandes enjambées avec les vieilles deux-chevaux poussives qui doivent marquer une halte à chaque stand pour se ravitailler en eau et en carburant. Mais qu’à cela ne tienne, lièvre ou tortue, chacun court à son rythme, l’essentiel étant de franchir la ligne d’arrivée en n’ayant d’adversaire que soi-même. Cependant, il ne suffit pas de décider du jour au lendemain de courir un semi-marathon.
Une course de cette longueur se prépare longuement et minutieusement. La préparation peut durer des mois. Il faut être prêt à souffrir.
Il est neuf heures quand la masse des coureurs s’ébranle enfin après un petit cafouillage. Il faut jouer des coudes et attendre que ceux de devant aient avancé un peu pour se mettre en mouvement. Des milliers de coureurs se lancent en même temps. L’impression bizarre de faire partie d’un corps qui n’en finit pas de s’étirer. Images d’un long fleuve en couleur qui coule le long des boulevards.
Une fois rentré dans son rythme, le coureur apprécie la ville comme il a rarement l’occasion de la voir. Débarrassée enfin de ses milliers de voitures polluantes. Il a la chaussée pour lui seul. Il est le roi de l’asphalte et il regarde, amusé, ces haies de spectateurs sagement alignés sur le trottoir derrière les cordons de sécurité. Les applaudissements et encouragements des uns et des autres lui font chaud au cœur. Il est également attentif aussi aux autres coureurs qui sont devant ou sur les côtés.
Reconnaissables à leurs tenues identiques, certains courent en groupe. Ils viennent de clubs de jogging ou d’associations sportives. Chacun connaît son temps et son chrono sur la distance. On court également en couple, avec sa femme ou sa copine.
En groupes d’amis habitués à s’entraîner ensemble. On s’encourage mutuellement, on discute en trottinant côte à côte. On fait connaissance aussi. On papote. Le coureur se met parfois dans la foulée d’un autre coureur ou d’un groupe, mais il n’est pas question, toutefois, de se laisser happer ou de se laisser griser par l’euphorie des premiers kilomètres.
Garder son rythme, gérer son énergie, être à l’écoute de son corps et de ses sensations. Penser à s’hydrater à chaque stand. Les plus aguerris gardent un œil sur leur temps de passage à chaque kilomètre.
Les organisateurs, reconnaissables à leurs casaques jaunes, veillent sur le bon déroulement de la course. Les dossards sont munis d’une puce électronique qui permet d’identifier le coureur et de suivre son parcours à travers les points de passage. Il y a 5 ou 6 stands de ravitaillement en eau et en boisson énergisante, ainsi que des stands d’épongeage disséminés le long du parcours.
Il faut courir par paliers, comme lors d’un entraînement. Au premier kilomètre, l’objectif est d’atteindre le cinquième. Au cinquième, il ne faut penser qu’au dixième, et au dixième il faut avoir en tête le quinzième, et ainsi de suite. Quand il ne reste plus que trois ou quatre kilomètres, au vu de sa réserve d’énergie, on est enfin sûr de terminer sa course. Au dernier kilomètre, les jambes pourtant lourdes deviennent beaucoup plus légères.
La ligne d’arrivée franchie, c’est un sentiment de bonheur mélangé de fierté qui vous envahit et vous fait oublier toute la fatigue et toutes les souffrances. Un sentiment qui se lit facilement sur tous les visages des coureurs affalés aux abords du stade ou occupés à se rafraîchir ou à se désaltérer.
Il est midi passé de vingt minutes quand le dernier coureur franchit enfin la ligne d’arrivée après 3 heures 18 minutes et 37 secondes de course. Le premier, un Marocain a bouclé le parcours en 1h 3’ 23’’. Les plus vieux compétiteurs ont droit à une haie d’honneur et un tonnerre d’applaudissements et d’encouragements. Ils sont fêtés comme les héros qu’ils sont. C’est cela le propre des marathons : les vainqueurs sont aussi bien ceux qui arrivent premiers que ceux qui arrivent derniers. Les jambes sont fatiguées mais la tête est ailleurs : on pense déjà au prochain challenge.
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L’histoire chichement
C’est avec un grand retard que la Poste algérienne a décidé de célébrer les événements du 8 Mai 1945. Treize après l’indépendance, la commémoration a été réduite à sa plus simple expression à l’occasion du 30e anniversaire de ces massacres, avec l’émission, le 1/11/1975 (et non le 8 mai) de deux timbres, dont le fameux 0,5 DA de couleur verte utilisé pour l’usage courant, tiré à 78 500 000 exemplaires (l’un des plus forts tirages dans l’histoire de la philatélie algérienne), et le 1,00 DA rouge.
Cette émission sera suivie d’une autre de cinq timbres (valeurs 0,05 - 0,10 - 0,25 - 0,3 et 0,7 DA), émise le 17 décembre de la même année. Ces timbres de différentes couleurs, réalisés par Mohamed Cherifi, ont tous un point commun : ils ne portent aucun dessin, aucune illustration et aucune allégorie, juste une mention en arabe et en français des villes de Sétif, Guelma et Kherrata, et la date des massacres.
Trente ans après les événements et treize ans après l’indépendance, le 8 Mai 1945, avec tous les symboles qu’il porte dans l’histoire du mouvement national, n’a finalement eu droit qu’à une œuvre aussi simpliste. La Poste récidive encore, en reprenant le même thème le 22/5/1976, mais avec un timbre bleu aux dimensions plus réduites, qui paraîtra également sous forme de deux carnets de six et dix timbres. Il faudra attendre la célébration du 50e anniversaire de ces événements pour que la Poste algérienne décide enfin de réparer une injustice, en émettant en 1995 un timbre allégorique et pour la première fois un bloc feuillet, œuvres de Sid Ahmed Bentounes.
Ce dernier sera le dessinateur de deux autres timbres consacrés à l’événement. Le premier a été émis en 2005 représentant une colombe, alors que c’est le second, sorti en 2010, qui fera date dans l’histoire des commémorations de cet événement, puisqu’il illustre pour la première fois le portrait de Saâl Bouzid, premier martyr des massacres du 8 Mai 1945.
Un fait qui pourra ouvrir la voie à nos artistes et dessinateurs de timbres poste pour une meilleure représentation artistique de l’histoire de ces événements, parcimonieusement présentée aux jeunes générations, surtout qu’en 53 ans de célébrations, et l’émission de seulement 12 timbres et un bloc feuillet, on n’a jamais osé montrer les véritables crimes coloniaux de l’époque, dont les images ont été rapportées par tous les médias du monde, y compris ceux de l’Hexagone.
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Tamanrasset face à une métastase urbaine
Les constructions prosaïques, les extensions anarchiques et l’excroissance urbaine sont autant de dossiers qui donnent du fil à retordre aux autorités de Tamanrasset.
Celles-ci doivent impérativement prendre des mesures coercitives urgentes si l’on veut préserver la vocation touristique de la région. La plaie qui affecte profondément le secteur de l’urbanisme et de l’habitat est on ne peut plus grave, compte tenu de la propagation anarchique et illicite du béton, enregistrée ces cinq dernières années dans la ville de Tin Hinan. Surtout dans les cités d’In Kouf, Echoumouâ et d’El Djazira, devenues des immenses bidonvilles viabilisés.
L’architecture des demeures nous fait penser aux plus vieilles cités précaires. Des pâtés de bâtisses, construites pour la plupart illicitement par des ressortissants subsahariens en situation illégale sur le territoire de la wilaya, n’est pas sans altérer les valeurs architecturales de la capitale du tourisme saharien.
Ces Subsahariens construisent à tout bout de champ en versant dans le squat des parcelles de terre, sans se soucier de la nature de la propriété, domaniale ou privée. Le pire est que toute cette gabegie se passe à l’heure où l’Etat affiche une omerta quasi absolue.
La cécité des autorités a malheureusement favorisé la cacophonie et encouragé davantage les agissements de ces indus occupants qui se contentent seulement de l’élévation du carré standard en parpaing pour se recaser. «En dépit des lettres de doléances adressées au wali et au responsable de la police de l’urbanisme, le phénomène gagne en intensité, particulièrement le détournement des assiettes foncières destinées aux projets d’utilité publique.
Nous avons saisi toutes les autorités compétentes pour dénoncer l’agissement de cette mafia et le lobbying de corrompus qui squattent des parcelles de terrain à tout-va, sous prétexte d’y construire des écoles coraniques, en vain», tonne Mounir H. R., habitant de la cité In Kouf Aldjazira en brandissant des documents incriminant le gendre du P/apc et une engeance de courtiers véreux.
Le P/apc de Tamanrasset, Zounga Ahmed Hamad, lors d’une réunion avec la société civile qui s’est tenue récemment au siège la wilaya en présence du premier magistrat de la wilaya et du chef de daïra de Tamanrasset, a failli jeter l’éponge sous la pression des bénéficiaires des lots de terrains spoliés par la mafia du foncier et où il serait «impliqué du fait qu’il accorde des permis de construire sans coordonner avec la direction de l'urbanisme et des constructions de la wilaya et, plus grave encore, ils signe des certificats de possession vierges», dénonce le président de l’association religieuse d’Adriane en citant l’exemple de l’assiette choisie pour la construction d’une mosquée à la nouvelle cité d’Adriane qui a été cédée à plusieurs personnes. «Les propriétaires ont tous présenté des certificats de possession dûment signés par le P/APC. Sauf qu’ils sont tombés sur le même endroit, rempli à la main sur le certificat initialement signé vierge.»
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Annaba, l’urgence ne peut justifier la médiocrité
Annaba continue sourdement à étendre ses tentacules ravageurs de béton et à moissonner le paysage naturel environnant pour faire pousser des logis dépourvus de toute qualité urbaine.
Des marées de blocs cubiques envahissent le territoire et s’entassant là tel à Bouzaâroura (El Bouni), et le long de la RN44, faisant fi de toute logique urbanistique. C’est le cas de la nouvelle ville de Draâ Errich de Annaba. «Il faut dire qu’il n’y a pas de maîtrise d’ouvrage urbain, pas même un réel travail de fond sur l’agglomération pour prendre en charge sérieusement son extension urbaine», martèle Boulbir Laâla, chercheur universitaire et urbaniste. La fabrication qualitative des espaces publics fait largement défaut.
Ces lieux appelés à faire manifester et défiler la vie civique et sociale et à rehausser l’image de la ville ne sont pas la priorité des édiles qui se contentent de saupoudrer un paysage terni par la médiocrité et le marasme social. Hormis les jardins et les places publiques légués par l’administration coloniale, auxquels s’identifient les Bônois, tel le cours de la révolution, «nous n’avons rien produit de semblable pour que l’on puisse s’enorgueillir et léguer comme patrimoine aux générations futures.
Aucun travail de réajustement urbain, d’alignement, de mise en perspective, de régénération ou de rénovation urbaine. Rien n’a été entrepris pour arranger et soigner les formes urbaines», souligne le même expert. La politique de l’urgence ne peut se justifier sur cinquante ans, pas même cette pesante normalisation et contrôle social.
A Annaba, tout vide urbain, même un giratoire, fait l’objet de prédation foncière et de mise en clôture systématique. Les trottoirs n’en sont pas épargnés. Les tours, ces éléments typologiques forts et judicieusement employés jadis sur les mamelons de Belvédère et Saint-Cloud pour épouser la silhouette collinaire de Annaba n’ont plus cet usage formaliste et paysagiste.
Elles sont utilisées comme pour rappeler la densité asiatique, même si Annaba grouille de friches inexploitées. Cette silhouette nordique a été vite trahie après l’indépendance, puisque la colline de Béni M’haffeur qui aurait dû recevoir des tours à son tour a fini par être morcelée en de vastes emprises foncières de 400 m² pour la clientèle, condamnant à jamais ce site précaire.
Pis, l’urbanisme des années 2000 va jusqu’à banaliser l’usage urbain des tours importées de Chine et commence à dispatcher le programme AADL au gré des opportunités foncières, sans chercher à les inscrire dans une vision urbaine intégrée. «Cette pratique à laquelle s’est accoutumé l’urbanisme sectoriel rappelle l’expérience douloureuse des trames assainies financées par la Banque mondiale (1990) ayant bafoué des centaines d’hectares pour hanter aujourd’hui les quartiers de Sidi Salem, Bouzaâroura, Bouhdid et Sidi Harb, véritables SAS contemporaines.
En effet, les tours sont localisées à Oued Edheb pour bien étouffer un quartier populaire déjà dense, mais aussi à Didouche Mourad, là où on aurait pu juste riper le stade pour faire bon usage de la verticalité et donner de l’allure au Boulevard de l’Afrique, ou encore à l’entrée de Sidi Ammar, cette ZHUN qui côtoie dans l’indifférence une université sans qu’une animation ne se soit développée pour créer une ville universitaire», se plaint l’urbaniste. Les décideurs des années 1980 avaient besoin d’études urbaines (ZHUN) pour implanter 500 à 1000 logements. Aujourd’hui, un simple permis de construire suffit pour lancer la construction des milliers de logements, toujours dans l’urgence.
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Constantine : Comme un carrefour saturé
Dans son livre Constantine, cité antique et ville moderne, paru aux éditions Média-Plus, le géographe français et spécialiste des pays du Maghreb, Marc Cote, note : «Toute ville choisit son site au départ, en fonction de ses objectifs initiaux, et finit un jour par avoir des problèmes avec son cadre, lorsque l’extension urbaine déborde du site initial.
De ce dysfonctionnement, Constantine offre un exemple spectaculaire…». Cette réalité vécue par les Constantinois s’est aggravée ces dix dernières années. Des difficultés qui ne sont plus la particularité du centre-ville au milieu topographique escarpé, mais qui se sont étendues même vers les quartiers de la périphérie. Anarchie urbaine, une circulation aussi congestionnée, avec une grande partie du trafic qui converge vers le centre-ville, des difficultés de parking et des embouteillages qui deviennent la hantise des automobilistes.
Cette situation est la conséquence directe de plusieurs mutations politiques et sociales que la ville a connues depuis plusieurs décennies. «La ville de Constantine, en dépit des contraintes que lui avait fait subir un découpage administratif clairement discriminatoire, demeure d'abord, au plan des données démographiques strictes, la troisième ville du pays et ce qui, me semble-t-il, singularise sa croissance, c'est la part peu relevée des acteurs sociaux et leurs mobilités.
Le premier changement qualitatif de Constantine tient à l'importance de la migration interne qui a vu progressivement les citadins constantinois s'installer dans la ville européenne ; ce mouvement devait épouser et amplifier les objectifs assignés au plan de Constantine de 1958 et consacrer, au lendemain de l'indépendance, une première ligne forte de l'extension de la ville vers l'ouest», affirme Abdelmadjid Merdaci, docteur d’Etat en sociologie et professeur à l’université Mentouri de Constantine.
Ce dernier rappelle aussi les études urbaines lancées à la fin des années 1960 et qui avaient projeté un déplacement significatif des populations et de l'habitat sur les hauteurs de Aïn El Bey et l'option dite de «la nouvelle ville», au-delà des objectifs d'éradication des bidonvilles et de l'habitat précaire, et qui «élargit et transforme profondément l'intelligence que nous pouvons avoir de Constantine».
«Les effets de conurbation, qui sont au principe de la reconstruction de la fonction métropolitaine de Constantine, redessinent la position de la ville dans l'espace et redéfinissent ses aires d'influence», estime notre interlocuteur.
Evoquer l’évolution urbaine de la ville de Constantine implique de faire un rappel historique, un retour à la période coloniale. Selon A. Merdaci, «la colonisation a entrepris, à compter de 1849, la construction d'une ville européenne, formellement interdite aux musulmans et aux juifs. Elle a aussi fait le choix de couper en deux la médina par le tracé de ce qui s'était appelé "la rue nationale".
La mutation urbaine de la ville connaîtra quatre visages : la médina, la ville coloniale, la ville algérienne post-indépendance et la nouvelle ville Ali Mendjeli». Mais en somme, et après une longue période marquée par l’exode rural, la ville de Constantine qui a «reporté» son trop-plein de population vers les communes de Didouche Mourad, Aïn S’Mara, El Khroub et Ali Mendjeli ne s’est pas pourtant débarrassée de son fardeau de «carrefour central» devenu trop saturé. Un titre que la ville continue de porter comme une malédiction.
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Sétif, l’immense cité-dortoir
La nouvelle ville de Sétif voit le jour en 1845. Bon nombre des immeubles du cœur de la cité qui n’est plus belle et propre comme elle fut jadis sont centenaires.
En l’absence d’un plan de sauvegarde et de restauration d’un inestimable patrimoine, les vieilles et belles bâtisses qui représentaient l’âme et l’histoire de la ville disparaissent l’une après l’autre.
Ne pouvant rester insensible face à un problème balafrant le cœur de leur cité, des urbanistes, des architectes et de nombreux amoureux de Sétif du bon vieux temps tirent la sonnette d’alarme. Affichant un silence radio, les responsables concernés ne réagissent toujours pas. La décadence du centre-ville n’est pas le seul tort fait à une cité ne jouant plus de rôle de ville. Laquelle vit très mal son expansion urbanistique, programmée, conçue et réalisée par des «bureaucrates» qui n’ont pas jugé utile d’associer les spécialistes en la matière.
Pas très regardants sur la qualité du nouveau bâti dont une partie tombe déjà en ruine, les «concepteurs» de milliers et lugubres cubes en béton où s’entassent des centaines de familles tancées par le mal-être et la dégradation de leur cadre de vie, les «chargés de mission» ne s’intéressant qu’aux statistiques sont les principaux responsables du déclin de Sétif qui a mal. Les élus ayant observé un silence complice ne sont pas exempts de tout reproche.
Comme les apparences sont souvent trompeuses, Aïn Fouara n’étant propre que sur le côté pile, souffre de l’insalubrité, du congestionnement de son réseau routier dont une grande partie est impraticable, de la pollution générée par le transport en commun d’un autre âge, de l’absence de lieux de loisirs et de divertissements et du délabrement de son parc d’attractions qui affiche, en ces journées printanières, complet. Transformée en une énorme cité-dortoir, Sétif ne dispose toujours pas de la moindre salle de cinéma. Mieux encore, les «promoteurs» de ces cubes à béton s’apparentant pour des sociologues à des bombes à retardement, ne disposent pas d’équipements publics (agence postale, banque, centre de santé, établissements scolaires, parkings, terrains de jeux, espaces verts, crèches et autres).
Abandonnés, de nombreux cubes accolés les uns aux autres sont devenus des nids de multiples maux sociaux. Annoncée en grande pompe, l’amélioration urbaine qui devait dans un premier temps toucher deux cités, n’est ni plus ni moins qu’un autre flop. Pour l’illustration, l’aménagement de La cité des Tours, située à la sortie Est de l’agglomération, hante les habitants de l’espace défoncé de partout.
Et ce, suite à la résiliation du contrat de l’entreprise chargée de la réhabilitation des parties communes des immeubles et des espaces extérieurs du quartier où habitent pourtant des membres de l’exécutif de la wilaya. Boueux l’hiver et poussiéreux l’été, l’endroit précité fait, le moins que l’on puisse dire, pitié. Bref, Sétif où il ne fait plus bon vivre ne remplit plus les conditions d’une ville…
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Oran, Une ville qui s’étend dans un esprit de «rupture»
D’un point de vue urbanistique, quelle a été l’évolution de l’Oran post-indépendance ? Comment l’extension d’El Bahia s’est-elle accomplie ces 50 dernières années ? Pour nombre d’urbanistes et d’architectes, les points de vue sont mitigés.
Pour beaucoup en tout cas, ce qu’il y a à relever dans l’évolution urbaine d’Oran, c’est que cette grande ville de l’ouest s’est étendue, non pas dans une logique de continuité, mais plutôt dans la rupture.
Il faut savoir que les rapports entre les pouvoirs publics et l’Oran patrimoniale ont toujours été, pour le moins, alambiqués. Oran, contrairement à Alger, Tlemcen, ou Constantine, ne possède pas, dans son patrimoine, un cachet proprement «arabo-islamique». Aussi, pour beaucoup, notamment chez les conservateurs, cette ville est considérée comme bâtarde, et son patrimoine ne mérite pas d’être pris en compte. Ce qui expliquerait sans doute les raisons pour lesquelles le vieil-Oran, à Sidi El Houari, se détériore année après année, sans que les pouvoirs publics ne se décident à le restaurer «dans les règles de l’art».
Pour le nouvel-Oran, celui qui s’étend à l’est de la ville, son architecture est aux antipodes de celle qu’on retrouve au centre-ville. «Quand on ne connaît pas le passé d’une ville, on ne peut jamais planifier son avenir de manière cohérence», nous explique une chercheure sur les enjeux patrimoniaux, qui ajoute : «A titre d’exemple, si on prend l’université Belgaïd, réceptionnée en 2010, il ne s’agit que d’un prototype de toutes les autres universités algériennes construites ces 5 dernières années.» Pareil pour ce qui est des nouvelles villes : «si on va à la nouvelle ville de Constantine, on se croirait à Haï Sabah ou Haï Nour (ndlr : de nouveaux quartiers à Oran-est)». Là est effectivement la grande
problématique : la crise du logement ayant pris de court les pouvoirs publics durant les années 80’, ces derniers se sont attelés à planifier la construction de logements «standardisés à l’extrême», avec des bureaux d’études identiques.
Aussi, quand on voyage à l’intérieur du pays, à mesure qu’on visite les wilayas, on a une impression de «déjà-vu» tant les extensions urbaines se ressemblent. «Même les villes du Sud, leur extension a tendance à se standardiser», déplore un autre urbaniste. Le problème ne concerne donc pas que la ville d’Oran, mais l’ensemble des villes algériennes».
Aussi, pour le nouvel Oran, si on excepte les rares constructions dont l’architecture sort plus ou moins de l’ordinaire, à l’image de l’hôtel Sheraton, du Méridien, du nouveau sirège de Sonatrach-Aval, ou encore, plus récemment, de la mosquée Ibn Badis, pour le reste, on a affaire à une architecture «banale», standardisée, sans aucune touche qui caractérise, ou du moins qui rappelle le passé d’Oran et son patrimoine.
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Alger, une capitale «en fragments»
Alger est l’une de ces villes qu’on adore détester. Elle donne parfois l’image d’une capitale renfrognée, boudant la mer et ne méritant pas la lumière qui l’éblouit.
Les explications des racines de ce qui est qualifié de «malaise» sont diverses ; tantôt fantaisistes, parfois pertinentes. Cette ville qui abrite le siège des institutions politiques et qui tient un rôle de premier plan économiquement n’est plus, dit-on, la vitrine d’un pays en pleine expansion. Le fait est que les plans destinés à redorer le blason d’Alger et prendre en charge ses problèmes se sont succédé depuis l’indépendance. Chaque année, les ambitions sont revues à la baisse et les promesses d’une capitale digne de ce nom sont reportées à une nouvelle échéance.
Alger est une ville dans laquelle les accents se mêlent et les traditions se côtoient. Madani Safar Zitoun, sociologue, réfute dans un texte intitulé Alger d’aujourd’hui : une ville à la recherche de ses marques sociales (In Insanyat) ce qu’il considère comme des «mythes sociologiques», notamment sur la théorie de la “rurbanisation” qui serait la source de tous les maux frappant la cité. «Il a certes existé entre 1987 et 1998, souligne-t-il, un phénomène d’afflux de ménages provenant de l’intérieur du pays du fait de la donne sécuritaire difficile vécue durant cette période, mais ce mouvement s’est tari durant la dernière décennie, notamment dans la première couronne d’urbanisation».
Alger est en passe de redessiner ses frontières et d’étendre ses contours.
«Tout s’est passé, décrit Madani Safar Zitoun dans un texte sur la recomposition de la métropole (In La pensée de Midi), comme si les lois foncières libérales de 1990, qui ouvraient le foncier public et privé à l’urbanisation, ne faisaient que répondre, dix années plus tard, aux besoins de valorisation des positions rentières acquises par les mêmes couches de la population, bénéficiaires de la loi de cession des biens de l’Etat de 1981 (…) le processus de reconquête de la ville et de patrimonialisation, enclenché en 1962, se résolvait progressivement durant la "décennie noire" par la privatisation systématique du portefeuille foncier périphérique».
Le fait est que l’Etat algérien, engagé alors dans une guerre contre le terrorisme, censé réguler l’urbanisation périphérique au regard de sa cohérence générale, aura brillé par son absence. «Bien plus, fera remarquer le sociologue, l’implication directe de ses représentants au niveau local dans la distribution clientéliste du foncier avait révélé des connivences et des collusions d’intérêt étranges.
Tout s’était passé comme si l’on était en présence du dernier acte d’un drame qui se serait joué en trois temps, celui de la décolonisation tardive du foncier urbain qui se serait résorbée par une véritable curée foncière et immobilière provenant des réseaux de captation à la source de biens et d’avantages, tapis dans les rouages de l’administration». Néanmoins, de nouvelles cités bariolées de couleurs se dressent au ciel, grâce aux programmes publics de location-vente.
D’autres quartiers, dont quelques-uns sortis du néant, recomposent la morphologie de la capitale, donnant l’impression d’une «ville en fragments». Alger est aussi belle le jour que laide la nuit. Seuls quelques quartiers périphériques comme Sidi Yahia, exemple de ces espaces nouvellement conquis, assurent un simulacre d’animation nocturne.
On pourra dire ce qu’on veut sur elle, Alger en a vu d’autres. Cela fait déjà plusieurs décennies que l’on médit sur cette ville, qualifiée autrefois de «don de la Méditerranée, et sur sa prétendue hésitation à assumer le rôle de capitale.
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Un goût d’inachevé
Faites-en l’expérience : demandez à un habitant de n’importe quelle ville algérienne ce qu’il pense de l’évolution de celle-ci, il vous répondra qu’elle n’est peut-être pas ce qu’elle aurait dû être. Extensions tentaculaires, anarchie, embouteillages, invasion du béton… Plusieurs villes algériennes offrent un spectacle affligeant, à l’image de ces constructions qui dressent leurs poteaux vers le ciel comme l’on exposerait nos entrailles à la vue tous. Comment les villes algériennes se sont-elles développées ces dernières années ? El Watan Magazine fait le point.
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L’ambition d’exportation de la gemme anime les artisans
Après son stage théorique effectué en 2013 à Tamanrasset, Missaoui Salim, professeur spécialisé et concepteur de programmes à l’Institut national de formation professionnelle en artisanat, hôtellerie et tourisme de Tlemcen, revient avec plus de ferveur et d’enthousiasme pour mettre en pratique les processus de production artisanale à la méthode brésilienne.
Optimiste, Salim s’est assigné pour objectif de lancer une unité de compétence spécialisée dans la lapidation artisanale traitant du corail et de la gemme précieuse et semi-précieuse. Outre le transfert de technologie, cette école pilote garantit, selon notre interlocuteur, l’autosuffisance en matière de pierres décoratives destinées à la mise en valeur du bijou artisanal.
En effet, «nous avons abondamment de matière première que l’on peut transformer en chef-d’œuvre avant de l’exporter. Je remercie les responsables qui ont veillé à la réussite de ce projet, salvateur à bien des égards, du fait qu’il m’a personnellement permis d’élaborer en cinq niveaux le programme de formation en industrie artisanale et du coup développer la bijouterie traditionnelle et perfectionner les produits du terroir», nous dit-il.
A moins de huit ans de sa retraite, Salim souhaite terminer sa carrière professionnelle avec la conception de tous les programmes relatifs à la promotion de ce créneau d’activité. Chabane Manseur, ingénieur à l’Office national de recherches géologiques et minières et membre de la commission de création de l’école a, quant à lui, parlé du dessein portant sur la mise en valeur des indices inventoriés en Algérie.
Le projet, affirme-t-il, a été officiellement soumis au ministère de l’Industrie et des Mines. «Il faut comprendre que l’importance du produit n’est pas la pierre en elle-même, mais sa provenance. Une bonne taille de la pierre fine donne, sans doute, plus de valeur au bijou, donc plus de revenus aux artisans qui affichent d’ores et déjà l’ambition d’aller vers l’exportation». Revenant sur le rôle de l’ORGM, M. Chabane fait savoir que sa mission essentielle porte sur l’accompagnement des professeurs de l’Abragem pendant toute la durée de la formation.
A cela s’ajoutent l’apport de la matière première et la gemme de qualité aux artisans stagiaires qui s’emploient à mettre à profit toutes les richesses existantes.
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Sylvie Giraud, interprète du groupe brésilien : «L'obstacle de la langue surpassé»
Au début de la formation, «les artisans se trouvaient face à un métier inconnu. Ils ont mis un certain temps pour comprendre ce nouveau processus qui intègre la machine et des diagrammes.
Les stagiaires ont eu un peu de difficulté à comprendre le mécanisme des angles et de positions sur l’index. Cependant, à partir de la deuxième semaine et une fois la logique intégrée, ils ont évolué très rapidement. On a eu plusieurs niveaux de performance et une mise à niveau générale. C’est dire qu’à la fin de leur stage, ils étaient tous bien formés.
Certains ont connu un développement plus long par rapport à d'autres, mais ils ont, tout compte fait, eu tous le niveau de connaissances nécessaire pour enseigner ce métier», relate l’interprète du groupe brésilien,Sylvie Giraud. Parlant des difficultés rencontrées par les artisans concernant l’utilisation du portugais comme langue d’enseignement, notre interlocutrice assurera que le problème ne s’est pas réellement posé en présence des interprètes, d’autant plus que les sujets sont d’ordre purement technique. «On a réussi à surpasser l’obstacle de la langue, puisqu'on n’a pas besoin de faire des considérations philosophiques sur des aspects techniques.
Tout est matériel dans ce métier, et les résultats sont palpables et visuels. Un petit défaut ne serait-ce que minime sur une pierre traduit l’incompréhension du stagiaire et/ou ses problèmes de symétrie. Avec le programme pédagogique mis sur pied, l’artisan peut être, à partir de la première semaine de formation, capable de comprendre les problèmes et les défauts dont l’origine est souvent détectée par le professeur. Ce dernier informe l’élève et corrige le défaut devant lui afin qu’il ait une parfaite maîtrise du processus».
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L’artisanat à l’ère des nouveaux processus technologiques
Opérationnelle depuis février dernier, l’école-pilote de taille de gemmes, de fabrication et design de bijoux et d’artisanat minéral à Tamanrasset, qui s’inscrit dans le cadre de l’accord de coopération scientifique, technologique et technique entre l’Algérie et le Brésil, en est à son deuxième groupe de formation.
Appelée à devenir un pôle dans le domaine de la gemmologie et de la taille de pierres précieuses et semi-précieuses, cette école, estime le directeur de la Chambre d’artisanat et des métiers de la wilaya, Saïdani Mourad, contribuera certainement au développement socio-économique de l’ex-Fort Laperrine. Le choix de cette région a été, affirme-t-il, consolidé par l’Abragem (Association brésilienne de petits et moyens producteurs de pierres, bijoux et similaires) qui a effectué une visite de travail à Tamanrasset, en juin 2007, à l’effet de vérifier les statistiques avancées par le ministère de l’Energie et des Mines quant aux ressources naturelles et humaines dont jouit cette collectivité du Grand Sud.
Après cette expédition, les Brésiliens en avaient, en effet, conclu que le massif du Hoggar, connu chez les géologues sous le nom de Bouclier targui, présente beaucoup de similitudes avec les boucliers célèbres dans le monde, tels que les boucliers canadiens, australiens et brésiliens, sachant que 61 indices de pièces précieuses furent mis à l’évidence lors des travaux d’inventaire effectués par l’Office national des recherches géologiques et minières (ORGM) de la période allant de 1993 à 1996.
Ces indices sont représentés par 19 types de minéraux (béryl, corindon, topaze, piezo-quartz, disthène, spath d’Island, grenat, zircon, fluorite, agate, jaspe, calcédoine et opale, tourmaline, turquoise, quartz rose, néphrite, serpentine, roche à olivine et apatite). En partenariat avec l’Abragem et l’Agence brésilienne de coopération du ministère des Relations extérieures (ABC), le ministère du Tourisme et de l’Artisanat a mis le paquet pour la concrétisation de ce projet dans la perspective de développer un système productif local (SPL) via la création d’une coopérative des artisans à Tamanrasset.
Ces derniers bénéficieront ainsi d’une formation de qualité dans le domaine de la gemmologie conformément aux clauses contenues dans l’accord de coopération algéro-brésilienne, signé à Brasilia le 3 juin 1981.
Lequel accord porte essentiellement sur la mise en œuvre du projet de transfert de connaissances pour «la production de gemmes lapidées, de bijoux et d’artisanat minéral. Les Brésiliens sont ainsi chargés de former des formateurs dans diverses spécialités, particulièrement en ce qui concerne la taille de pierres précieuses, l’artisanat minéral, l’orfèvrerie artisanale, la fonte industrielle et le design de bijoux», ajoute M. Saïdani.
Formation de 540 artisans par an !
En tout, 54 candidats sont concernés par cette formation qui durera 18 mois. Ces futurs formateurs, qui devront prendre la relève et assurer le relais après le départ des Brésiliens, sont appelés à former jusqu’à 540 artisans/an, soit 10 candidats pour chaque formateur. Notons que la sélection des candidats s’est faite sur la base d’un questionnaire diffusé à l’attention des bijoutiers lors des différentes manifestations du secteur et transmis au niveau local par l’intermédiaire des chambres d’artisanat et des métiers (CAM). Une commission de sélection des candidatures a été installée pour garantir la transparence de cette opération.
Les candidats retenus sont sommés de signer un contrat de fidélité exigeant des futurs formateurs de transférer, à leur tour, le savoir acquis afin d’assurer un véritable transfert de connaissances. En somme, la mise en place d’une coopérative vise infailliblement la valorisation des pierres taillées par l’échange d’expériences entre les artisans brésiliens et algériens, tout en conservant les traditions et coutumes de la population locale ainsi que les richesses culturelles de cette région millénaire.
De nouvelles matières premières seront ainsi mises à profit, en plus des gisements existant au niveau local. Les Brésiliens chargés de piloter ce projet ont insisté sur l’importance de développer un SPL efficace afin de substituer à l'importation et de renforcer une main-d’œuvre qualifiée à même de promouvoir l’enseignement professionnel et technologique. «Ces procédés conduiront, sans nul doute, à l’innovation et au transfert de technologies industrielles nécessaires à élever la compétitivité de l'industrie tant au niveau national que local», souligne Abdellah Lagraoui, cadre à la CAM de Tamanrasset, selon qui le défi consiste à promouvoir la compétitivité et le développement durable des micro et petites entreprises, renforcer l'esprit de l’entreprise et encourager la formation d’association et l’organisation de foires commerciales.
Les professionnels brésiliens, quant à eux, exhortent la création d’un SPL comprenant nécessairement l’extraction de minéraux, la taille de pierres, la collection d’objets en pierres et l’industrie de bijoux. A tout cela s’ajoutent les machines et les équipements de production, la conception de bijoux, le design et la stratégie de marketing et de commercialisation.
D’où l’impérative mise en valeur de la politique de coopération technique internationale et la coordination de toutes les démarches de coopération en provenance de l’extérieur, à l’effet de prendre connaissance des différentes normes et procédés légaux appliqués dans l’identification et l’homologation des gemmes. Une procédure qui permet de garantir la production, la commercialisation et l’usage des biens et services dans une dynamique concurrentielle, tout en contribuant au développement scientifique et technologique de l’environnement et du consommateur.
Sauf que le cas de Tamanrasset est particulier. «Tout ce que l’on trouve dans le désert peut être précieux compte tenu de la valeur ajoutée apportée par le professionnel qui dispose de l’art et des compétences nécessaires pour développer le produit de joaillerie, de bijouterie et de l’artisanat minéral», estime Oscar Ferreira, professeur brésilien de taille artisanale.
Contrairement à la taille à facette, enchaîne M. Saïdani, la taille artisanale est un métier de réflexion et d’invention qui permet à l’artisan de développer des produits de valeur et des designs du terroir. Evoquant le volet linguistique qui avait nécessité l’engagement de deux interprètes brésiliens à la charge de l’Algérie, le directeur de la Cam fait savoir au demeurant que «les manuels pédagogiques adoptés par l’école seront traduits dans la langue arabe pour faciliter la tâche aux futurs formateurs.
C’est une autre étape à franchir avec l’aide de nos partenaires brésiliens». Pour ce faire, des formateurs du secteur de la formation et de l’enseignement professionnels et des ingénieurs de l’ORGM ont ainsi pris part à ces cycles de formation ayant vu, jusque-là, la participation de 22 stagiaires issus de plusieurs wilayas du pays.
30% des stagiaires à la découverte du pays de la samba
«Si l’on considère que ce sont des artisans qui en sont à leur première expérience de taille à facette, la rapidité avec laquelle ils assimilent le processus est extraordinaire. La taille à facette des pierres précieuses exige la maîtrise de techniques complexes et un niveau de connaissances assez important. Avec le premier groupe, nous avons eu des résultats probants», estime le professeur de la taille à facette, Silvio Andre Aguiar. Et de renchérir : «Nous avons affaire à des professionnels dont la performance est excellente. L’objectif a été atteint en ce qui concerne leur formation et leur développement.
Ce sont eux-mêmes qui ont pu évaluer leur niveau de développement et ils en étaient très satisfaits. Je les prépare afin qu’ils soient de futurs enseignants. Toutefois, pour qu’ils puissent développer cette activité, je considère qu’il est absolument nécessaire qu’ils aient un appui de la part de leur institution pour continuer la pratique de ce métier.» A ce titre, il soulignera l’importance d’avoir accès aux équipements qui sont pratiquement essentiels. Certes, «la machine est chère, mais souvent la pierre taillée vaut plus que l’équipement. Il faut savoir que les professionnels algériens sont au même niveau que les professionnels brésiliens, je dirai même plus avancés».
Il convient de signaler que dans le cadre de ce projet, 30% des élèves seront sélectionnés et envoyés au Brésil, et ce, suivant la qualité des pierres qu’ils ont produites pendant leur stage, leur sérieux et leur vision professionnelle. «Très souvent, on peut distinguer chez certains artisans un bon producteur de pierres d’un bon professeur», a conclu M. Silvio. Pour rappel, les équipements destinés à la mise en service de l’école-pilote sont collectés et expédiés par l’Abragem avec le concours du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Les équipements sont offerts sous forme de don au ministère du Tourisme et de l’Artisanat.
Le matériel comprend un calibreur, des machines à facettes, une machine de coupe, une rectifieuse et un équipement pour la fonderie. Acheminés à Tamanrasset en mars 2013, les équipements ont été montés par une équipe d’experts brésiliens en présence des cadres de l’Agence nationale de l'artisanat et du tourisme (Anart) qui ont réalisé le test de vérification.
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Des miniatures de toute beauté
timbres de valeurs respectives 0,3 DA, 0,6 DA et 5 DA. Des œuvres représentant des scènes de la vie quotidienne durant la période turque, dans des décors minutieusement étudiés.
Une première inédite du point du vue esthétique et artistique après les émissions des premières années de l’indépendance réservées aux sites, à l’usage courant, aux commémorations et à certains événements économiques. Dans l’un de ces timbres, Racim représente deux musiciens aux costumes traditionnels, dans une position assise, jouant l’un au rebab, et l’autre au luth, alors que dans l’autre timbre on voit deux musiciennes jouant de la derbouka et du tar. Les deux scènes se passent dans le décor sobre, mais magnifique d’une maison algéroise, avec en toile de fond des couleurs chatoyantes. Dans un troisième timbre, on admire la silhouette d’une belle princesse, posant avec une gazelle, avec pour arrière-plan la cour d’un palais, agrémentée d’un jet d’eau. Le tout pour exprimer un savoir vivre et un raffinement dont seuls les gens de cette belle époque avaient le secret. La dextérité et la maîtrise par Racim de cet art magnifique qu’est la miniature apparaîtront dans une seconde série, dans la même thématique, émise le 17 décembre 1966. Dans un premier dessin, on y voit un cavalier avec fusil et épée, à dos d’un cheval en furie, alors que dans un second, Racim représente toute la beauté d’une mariée dans ses habits traditionnels qui effectue sa toilette, aidée de deux femmes.
Le plus beau timbre de cette série demeure le portrait de Barberousse, maître de la Méditerranée, dessiné debout portant son célèbre costume et son épée, avec comme-arrière plan le port d’Alger. Né à La Casbah d’Alger le 24 juin 1896 dans une famille d’artistes enlumineurs, Mohamed Racim a montré un don pour cet art dès sa jeunesse. Après un passage à l’Ecole des beaux-arts d’Alger, sa maîtrise des techniques de l’enluminure lui ouvre d’autres perspectives. Il voyage à Paris où il travaille au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, et débarque aussi en Espagne et en Angleterre. Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier.
A l’indépendance, Mohamed Racim, spécialiste de calligraphie arabe, est le fondateur de l’école algérienne de miniature qu’il n’a cessé de développer, lui donnant une dimension universelle. L’artiste meurt assassiné avec sa femme le 30 mars 1975 dans leur demeure d’Alger.
Outre la miniature, Racim, et en dépit d’une très courte contribution, qui s’est étalée sur six ans (de 1965 à 1971), réalisant en tout 20 timbres, a profondément marqué l’histoire de la philatélie algérienne grâce à son fameux portrait de l’Emir Abdelkader, le premier de cette personnalité historique sur timbre-poste. Un portrait émis en différentes couleurs et valeurs entre 1966 et 1971. Racim a également dessiné un timbre dédié à la Journée du moudjahid (20/8/1966), un autre consacré à l’art musulman (25/2/1967) et un timbre commémorant l’année de l’éducation (24/10/1970). En hommage à sa personne et à toute son œuvre, un timbre a été édité à son effigie le 8 juin 2000 à l’occasion de la Journée de l’artiste.
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Le festival de Tikjda aura lieu le 28 mai
Ajourné à maintes reprises par les autorités locales de la wilaya de Bouira pour des raisons multiples, le festival de musique de Tikjda sera organisé fin mai prochain.
C’est ce qui nous a annoncé hier par téléphone le directeur de la culture de la wilaya, El Hachemi Bouhired. La même source nous a précisé que deux piliers de la chanson kabyle, à savoir Akli Yahiathen et le groupe Abranis ont déjà donné leur accord pour participer à cette manifestation qui sera organisée en haute montagne à Tikjda. M. Bouhired a précisé que le festival débutera le 28 mai prochain et s’étalera sur trois jours. «Cela coïncidera avec des jours du week-end, et ce, dans le but de permettre aux citoyens et aux amoureux de la chanson de profiter de cette manifestation pour laquelle la direction de la culture a concocté un riche programme à l’occasion», a-t-il souligné. D’autres artistes de renommée ainsi que des artistes locaux prendront part à cette manifestation.
Selon certaines sources, c’est le wali de Bouira, Nacer Maaskri, qui a décidé d’intégrer des chanteurs locaux dans la liste qui va animer des galas artistiques dans le but d’éviter le mécontentement des artistes locaux qui ont toujours dénoncé leur exclusion de ces manifestations culturelles. Par ailleurs, la manifestation sera marquée par des expositions de différents produits artisanaux de la région. La direction de la culture de Bouira est donc appelée à assurer une bonne organisation de cet événement dont les pouvoirs publics ont maintes fois annoncé son officialisation. Pour rappel, les 4 éditions précédentes étaient de véritables fiascos. D’ailleurs, la corporation journalistique locale n’a jamais été informée, ni encore sollicité de la couverture médiatique de cet événement pourtant inscrit dans le cadre de la promotion du tourisme local.
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«La fabrication de brique de terre consomme moins d'énergie que le béton armé»
Spécialisée en éco-conception, en systèmes constructifs alternatifs et en matériaux bio-sourcés (paille, béton de chanvre), l'algérienne Ilhem Belhatem est fondatrice de l'agence Atelier D à Paris. Elle est diplômée de l'Epau d'Alger et de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse.
Pourquoi est-il nécessaire de développer les architecture de terre en Algérie ?
Il faut d'abord développer une architecture qui soit contexalisée, c'est-à-dire liée au territoire où on s'implante. La notion du lieu est importante. C'est cela qui fait qu'on a une richesse et une diversité architecturales et qu'il y a une économie qui s'installe autour. C'est une manière d'éviter les énormités commises dans les années 1950/1960, notamment dans les banlieues françaises. Des banlieues qui se ressemblent. C'est ce qu'on est en train de faire en Algérie actuellement.
Tous les projets de construction se ressemblent. On ne se pose pas la question sur la nécessité d'avoir une architecture locale. L'architecture terre est particulière. Elle répond au mieux à la notion de lier l'archicture au territoire, à la diversité culturelle et à l'économie circulaire. Il en est de même pour les archictures pierres et bois. La terre a également la particularité d'être présente partout.
Ce n'est pas le cas des autres matériaux bio-sourcés comme le bois ou la pierre. Je suis architecte, j'utilise plusieurs matériaux en intervenant en Amérique du Sud, en Afrique et en France. Les savoir-faire existent. Il faut les utiliser. Ici, à Adrar, on voit bien l'esthétique dans la construction, mais malheureusement on construit avec du parpaing ou avec de la brique creuse dans une région où il fait très chaud en été. Impossible donc de vivre sans climatisation
Donc, le recours est l'utilisation de la terre...
Oui. Il y a de l'esthétique, donc le savoir-faire est là. Il suffit d'utiliser la brique de terre et le pari est gagné. Les gens d'Adrar peuvent donner la leçon à l'Algérie et au monde entier. Pourquoi ? Parce qu'ils auront ravivé un savoir-faire local en utilisant la terre. Une véritable leçon comme au M'zab avec l'architecture vernaculaire. Dans le sud, on peut utiliser de l'adobe, de la brique comprimée stabilisée ou pas. La terre est là et la région n'est pas sismique.
Existe-t-il de la résistance à l'archicture de terre ?
Il y a de la résistance dans le sens où l'on est tombé dans la facilité. Des cimenteries se sont installées. Le parpaing est produit en grosses quantités. Il est maçonné facilement. Il en est de même pour la brique cuite.
La brique de terre crue relève d'un ancien savoir-faire, mais qui n'a jamais été mis au goût du jour. Des expériences existent dans plusieurs pays, pas uniquement en Algérie. L'industrialisation poussée à l'extrême a empêché le recours aux matériaux locaux. Le marché est donc inondé par les matériaux industriels.
Il faut que les choses s'organisent. Les architectes et les bâtisseurs doivent prescrire des matériaux différents pour prouver qu'on peut construire autrement. Aujourd'hui, on arrive grâce à ces matériaux à des performances thermiques et hydrothermiques qui répondant aux problématiques environnementales... Il y a la notion du politique qui intervient.
Les politiques peuvent insuffler une nouvelle façon de faire, donc une stratégie sur le moyen et long termes. Les collectivités locales, comme ici au Sud, doivent prendre l'initiative en utilisant les matériaux locaux.
En Algérie, il existe un arsenal juridique qui permet de le faire. Les architectes doivent montrer la voie. Demain, s'il faut bâtir une bibliothèque, par exemple, autant utiliser la brique de terre (...). On ne peut pas demander à un cimentier de changer de métier et de faire du lobbying pour la brique de terre. Mais la balle est dans le camp des architectes qui peuvent proposer des techniques de construction en conseillant le matériau terre.
C'est leur responsabilité en tant que maîtres d'œuvre. Encore une fois, il faut souligner que les matériaux industriels sont énergivores. Et puis, les cimenteries sont à l'origine de presque 10% des gaz à effet de serre. Le bâtiment en béton consomme de l'énergie et fournit beaucoup de déchets.
Donc, il faut qu'on prenne une halte pour s'entendre sur l'avenir de l'Algérie dans un contexte énergétique global. On ne s'assure pas la sécurité énergétique avec le gaz de schiste. La fabrication de brique de terre consomme moins d'énergie que le béton armé ! Utiliser la terre permet de s'inscrire dans une logique de préservation des ressources et de l'énergie.
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Un avenir couleur terre
La 4e édition du Festival culturel international de promotion des architectures de Terre, ArchiTerre, qui s’est déroulée du 19 au 26 avril 2015 à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'Alger (Epau) et à l'Université africaine à Adrar fut, encore une fois, une grande occasion pour débattre de l’état actuel des constructions en adobe, torchi, BTC et pisé dans le monde.
Institutionnalisé en juillet 2011, ArchiTerre réunit chaque année des architectes et des ingénieurs spécialisés qui viennent de partout. Cette année, ils sont venus de Tunisie, du Togo, de l’Afrique du Sud, du Portugal, d’Italie, de France, du Japon, du Chili, du Guatemala, de Colombie.
A Adrar, ils ont parlé de leurs expériences, évoqué des aspects esthétiques, techniques et artistiques des constructions en terre et en pierres, plaidé la cause des matériaux locaux. Satprem Maïni, architecte français de renommée mondiale, a expliqué en détail son expérience à Auroville earth institute (AVEI) en Inde. «L’AVEI a pour mission de raviver les savoir-faire traditionnels et lier les traditions vernaculaires ancestrales avec les technologies modernes de terre stabilisée.
Sa mission est également de permettre et donner la possibilité aux gens de construire leur propre habitat avec de la terre, ainsi que de développer des techniques à faible coût et accessibles à tous», a précisé Satprem Maïni, la guest star d'Architerre 2015. Il est important, selon lui, de démontrer que la terre comme matériau de construction peut être utilisée pour créer un habitat moderne, progressif, écologique et sûr. «Il faut respecter notre terre tout en utilisant ses ressources naturelles pour construire un future durable», a-t-il noté.
Satprem Maini est actuellement le représentant pour l'Asie de la Chaire de l'Unesco, «Architecture de terre, cultures constructives et développement durable». Il est également membre du Centre international pour la construction en terre (CraTerre) en France, spécialisé en construction en bloc de terre comprimée stabilisée (BTCS) et en construction d'arcs, de voûtes et de dômes en terre.
Matériaux non polluants
Hamid Benouali, chercheur au Centre national d'études et de recherches intégrées du bâtiment (CNERIB) a donné une explication détaillée sur les matériaux locaux, autrement dit «matériaux manufacturés ou fabriqués manuellement sur place». Il s'agit, selon lui, de matériaux naturels, propres, non polluants, respectueux de l'environnement et non énergivores. Il a cité la terre crue (adobe, brique, bloc et pisé), la terre à plâtre (gypse), la terre à chaux (calcaire) et la pierre à sable (rose de sable).
Il a également parlé des mortiers à base de terre ou de plâtre et chaux produits d'une manière artisanale. Pour Hamid Benouali, le mortier à base de ciment, les parpaings de ciment et les briques ou blocs de produits rouges sont des matériaux résistants mais polluants et énergivores.
Citant les exemples de Ksar Temacine à Ouargla, Timimoun ou Ksar Menaa à Batna, il a montré, images à l'appui, l'utilisation du toub dans la construction des maisons ou des édifices publics. Il a rappelé que l'Algérie s'est intéressée à l'architecture de terre dès le début des années 1970 avec des constructions en terre coulée à Zéralda ou en terre remplissante à Abadla. «Les premières constructions en bloc de terre comprimée (BTC) ont commencé au début des années 1980 à Bou Saâda, Chéraga, Tamanrasset, Souidania et Reggane. Les enjeux économiques et la préservation de l'énergie imposent une réhabilitation des matériaux locaux.
Ce recours doit être accompagné par des études, des recherches et un cadre opérationnel et institutionnel. Aujourd'hui, les limites du matériau en béton sont largement constatées en raison de la grande consommation d'énergie et de la technologie lourde», a relevé Hamid Benouali.
Allant dans le même sens, l'architecte Ilhem Belhatem a cité Pierre Rabhi qui avait dit un jour : «Ne pouvant produire sans épuiser, détruire et polluer, le modèle dominant contient en fait les germes de sa propre destruction. Pour que les arbres et les plantes s'épanouissent, pour que les animaux qui s'en nourrissent prospèrent, pour que les hommes vivent, il faut que la terre soit honorée».
Des ksours en ruine
Elle a rappelé que 80% de la biomasse vivante est dans le sol. D'où la nécessité de la préserver par tous les moyens. Yasmine Terki, commissaire du festival ArchiTerre et directrice du Centre algérien du patrimoine culture bâti en terre (CapTerre), qui est basé à Timimoun, a expliqué la stratégie algérienne pour la réhabilitation de l'image des architectures de terre. Elle a appuyé sa conférence par de belles photographies aériennes de Kyas Djillali des Ksour de Moughel (Béchar), Chetma (Biskra), El Dechra El Hamra, Aïn Madhi (Laghouat), Ouaghlama, Tamerna, Beni Abbes (Béchar)... Des images qui ont alimenté deux expositions en 2009 et en 2011 et qui seront bientôt mises à la disposition du public. Yasmine Terki a indiqué que «la coexistence» entre deux systèmes de constructions, modernes/anciens a accéléré la destruction des ksour dans plusieurs régions. Des ksour qui sont, selon elle, respectueux des lieux, de l'environnement et de la culture.
«L'état de ruines est lié aussi à l'abandon de ces lieux par les populations locales. Partout il y a ce constat dramatique d'abandon du patrimoine algérien. Parfois, il y a eu des destructions volontaires pour reconstruire des maisons en béton présentées comme modernes», a-t-elle noté. L'architecte a relevé que les mesures prises ces dix dernières années concernent les biens culturels, les monuments historiques et les ensembles urbains ou ruraux avec notamment la création des secteurs sauvegardés et le classement.
Parmi «les mesures de protection légale» décidées par le gouvernement, elle a cité l'obligation faite aux propriétaires de réhabiliter, restaurer ou entretenir leurs maisons. «Toute intervention de réhabilitation ou de restauration est soumise à autorisation des services chargés de la culture.
L'Etat assure un financement pouvant atteindre les 65% du prix des travaux de réhabilitation ou de restauration», a-t-elle souligné. Selon elle, les habitants quittent les ksour, notamment dans le Sud, pour des raisons objectives. «Les habitations ne répondent pas aux normes modernes de confort et d'habitabilité et les infrastructures et services de base sont absents comme les routes, les équipements publics ou les commerces. Il est légitime que les populations veulent vivre dans des conditions de confort, vivre leur temps. Souvent dans les opérations de réhabilitation, on a voulu ''muséeifier'' ces ensembles au lieu de les faire évoluer.
Dans le monde entier les centres historiques qui sont encore debout sont ceux qui ont été modernisés, dotés d'infrastructures de base. Ils génèrent une manne financière importante grâce au tourisme», a noté Yasmine Terki qui a cité l'exemple du ksar de Beni Abbes (Béchar), réhabilité par l'Etat, mais resté vide. Les ksour sont, d'après elle, menacés de disparition en raison de l'absence d'entretien selon les normes universellement admises. Elle a regretté la dévalorisation de l'image des architectures de terre auprès de la population. Parmi les idées fausses, elle a cité : «Les maisons en terre fondent sous l'action de l'eau ; on ne peut construire en étages avec de la terre ; ce sont des maisons de pauvres...».
«A l'origine de la dévalorisation de l'image des architectures de terre, une vision erronée du développement. Une vision basée sur la construction de la modernité dans la négation et le mépris du produit d'une tradition millénaire», a-t-elle noté. Elle a rappelé que des ksour existent depuis des siècles mais n'ont jamais «fondu» sous la pluie et a souligné que les maisons ne nécessitent pas des opérations coûteuses d'entretien. «Regardez les façades de nos villes construites en béton et couvertes de peinture chimique, ça se décolle. Il y a des façades noires en raison de la pollution. Les maisons en terre enduite en argile ou à la chaux résistent mieux.
On a fait croire aux gens que les maisons en terre ne sont pas durables comparées à celles baties en béton. Or, c'est le contraire. Les matériaux industriels sont jetables. L'industrie ne peut pas fabriquer des produits durables, sinon elle s'arrête. La terre et la pierre sont des matériaux durables et recyclables. Avec des pierres de l'antiquité, je peux construire des maisons aujourd'hui», a précise Yasmine Terki. La directrice du CapTerre a critiqué la politique nationale de formation universitaire et professionnelle qui ignore presque totalement les matériaux locaux et les techniques de construction en terre ou en pierre.
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Ahcene Krimat, un artisan laborieux oublié
Sous d’autres cieux, il aurait connu un meilleur destin. Pourtant, l’histoire de cet imprimeur mérite de figurer dans les annales du timbre-poste algérien.
Lui, c’est Ahcène Krimat. Un nom qui ne dit pas beaucoup de choses pour la plupart des Algériens. Pour les spécialistes du timbre algérien, l’histoire de cet homme humble, modeste, et surtout affable et très discret, reste intimement liée à celle du premier timbre de l’Algérie indépendante. C’est la revue philatélique Philnews qui l’a approché pour la première fois depuis 1962 au sujet de ce timbre.
C’était à l’occasion d’un entretien réalisé en novembre 2002 par Mohamed Achour Ali Ahmed (éditeur de cette revue) et Djamel Lahlou. L’entretien a été publié dans Philnews n°40 de janvier-février 2003.
Un numéro consacré au 40e anniversaire du premier timbre algérien. Dans cet entretien, Krimat s’est dit étonné qu’on s’intéresse à lui et à son histoire avec cette figurine postale, qui a défrayé la chronique philatélique de l’époque. Enfant de la ville de Jijel, où il y est né le 15 février 1935, Ahcène Krimat est propriétaire de l’imprimerie Les Impressions d’art sise à Hussein Dey.
Une petite imprimerie qui a vu naître le fameux timbre connu sous le nom du 1+9, émis le 1er novembre 1962 pour célébrer le 8e anniversaire de la Révolution. Artisan laborieux, Krimat aime beaucoup son métier, mais surtout son pays. Il a su garder le secret de cette émission afin de parer à d’éventuels sabotages de l’OAS. Une organisation tristement célèbre pour les opérations et attentats commis aussi contre tout ce qui symbolisait le futur Etat algérien. Krimat a pris son imprimerie en gérance libre le 1er octobre 1961.
Elle employait 8 ouvriers, tous européens, à l’exception d’un jeune Algérien formé sur les lieux. Il se souvenait encore des circonstances dans lesquelles il a été approché pour l’impression du fameux 1+9. «J’ai été contacté probablement par les gens de la Fédération du FLN de l’époque, parmi lesquels j’avais des amis qui me connaissaient en tant qu’imprimeur. Mais, honnêtement, je n’avais jamais eu de contacts avant», dira-t-il.
Et de poursuivre : «On m’a choisi peut-être parce qu’on ne voulait pas que l’impression se fasse chez un Européen et que des personnes qui me connaissaient avaient jugé qu’il était préférable de confier l’impression à un artisan algérien et de surcroît connu.»
Krimat avait été l’unique personne chargée de l’impression qui s’est déroulée le 31 octobre 1962, de 21h à 6h. «Après la fin de l’impression et la remise des clichés, toutes les feuilles gâchées ont été détruites», se rappelle-t-il.
C’est ainsi que le premier timbre post-indépendance, purement algérien, est né, en dépit des imperfections dues à la précipitation avec laquelle s’est déroulée cette opération. Sur le caractère historique du travail qu’il avait accompli, notre interlocuteur affirme qu’il en était conscient.
«J’avais gardé humblement cette satisfaction, que d’ailleurs je ne voulais pas ébruiter vu la mauvaise qualité de l’œuvre ; sinon, pourquoi avoir laissé jusqu’au dernier jour pour penser à réaliser ce genre de travail ?» confie Ahcène Krimat, dont le nom restera à jamais lié au premier attribut philatélique de l’Algérie souveraine : un timbre rare et chargé d’histoire.
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